Comment utiliser l'ACWR pour diminuer les risques de blessures ?

7/2/2022
Entraînement

Gérer les ratios de charge pour progresser et réduire le risque de blessures 

1. Introduction 

La gestion de la charge d’entraînement est un paramètre essentiel pour surveiller l’évolution de la fatigue, l’amélioration de l’état de forme ou encore pour ajuster l’entraînement. 

Il existe différentes méthodes permettant de surveiller cette charge d’entraînement que ce soit au niveau interne (RPE, TRIMP, FC, concentration de lactate …) ou externe (vitesse, puissance, volume d’entraînement …). En ayant un suivi simultané de la charge interne et externe on peut mesurer le stress d’entraînement (tant physiologique que psychologique) pour individualiser les prescriptions d’entraînement mais également pour déterminer la charge utile individuelle permettant d’améliorer les performances. 


La connaissance de cette charge d’entraînement (interne et externe) peut nous permettre de modéliser l’atteinte d’une performance en suivant l’évolution de la fatigue par rapport à la forme physique (Fitness) comme proposé par le modèle de Bannister (cf. Figure 1).

En théorie, chaque séance d’entraînement provoque une amélioration de la forme physique mais développe en parallèle de la fatigue. Lorsque la charge d’entraînement chronique (CTL) est élevée, il y a une augmentation du niveau de forme physique de l’athlète. En parallèle, il se développe également un haut niveau de fatigue au fil des séances qui ne permet pas à la performance de s’exprimer. La charge d’entraînement aiguë (ATL) permet de suivre la fatigue accumulée à l’image de la semaine. Pour laisser s’exprimer les adaptations, il faut donc diminuer la charge d’entraînement pour réduire la fatigue et ainsi amener l’athlète vers son meilleur niveau de performance, c’est un peu l’approche de l’affûtage avant un objectif majeur qui vient d’être décrite. 

Mais voilà la progression n’est malheureusement pas aussi simple !  

2. La complexité de la charge d’entraînement 

Si on veut amener l’athlète à son meilleur niveau, il faut qu’il accumule une charge d’entraînement élevée pour générer de fortes adaptations (métabolique, mécanique …) afin de le rendre plus efficace et plus performant. Sauf que le revers de la médaille de l’augmentation de la charge d’entraînement est synonyme d’un accroissement de la fatigue, d’une mauvaise assimilation de la charge et donc d’un risque accru de blessure. 

Il faut ainsi trouver le bon équilibre entre la charge d’entraînement et la récupération pour prévenir les réactions négatives de l’entraînement, comme les blessures ou la fatigue perturbant la régulation du système nerveux autonome.

3. Le suivi de la charge d’entraînement 

Les entraîneurs sont intéressés par les modèles de suivi de la charge permettant d’identifier la charge d’entraînement optimale qui va générer la meilleure réponse et la plus forte progression, on parle ici d’un modèle « dose-réponse ». On sait ainsi que pour obtenir une forte réponse, permettant de générer les meilleures performances, il faut nécessairement utiliser une charge d’entraînement élevée mais que cette charge élevée peut exposer l’athlète à un risque de blessure accru. 

Différentes études sur la relation entre la charge d’entraînement et la survenue de blessures ont indiqué que plus les athlètes s’entraînent durement et plus ils risquent de se blesser (Blanch & Gabbett, Colby & al). A l’inverse une réduction de la charge d’entraînement exposerait moins l’athlète à la blessure (Wahl & al). 

Mais voilà ce qu’on pensait comme acquis au niveau de la gestion de la charge d’entraînement n’est peut-être pas aussi évident ! Selon les athlètes et leur profil, une charge élevée n’est peut-être pas synonyme de fatigue, de regression ou de blessure. En effet, il a été démontré qu’une charge d’entraînement élevée peut protéger les athlètes contre les blessures (Hulin & al). Dans ce cas, c’est la stabilité de la charge d’entraînement chronique qui permet de prévenir les blessures et ce serait les fortes fluctuation de charge qui exposeraient l’athlète à la blessure.

« 40 % des blessures observées en pré-saison sont associées à un changement brutal de la charge d’entraînement. » 

Suivre l’évolution de la charge d’entraînement semaine après semaine est un 1er niveau d’analyse et de lecture mais on peut aller plus loin en ajoutant un indice. 

4. ACWR : 4 lettres pour changer de vision sur la gestion de la charge d’entraînement

L’Acute : Chronic Workload Ratio (ACWR) représente un équilibre entre l’entraînement et le stress (Ratio entre la charge de travail aiguë et chronique). 

C’est une simplification du modèle originel « Fitness-Fatigue » de Banister où on utilise des moyennes de charges mobiles pour comparer la charge d’entraînement aiguë réalisée au cours d’une période récente (5 à 10 jours) avec une charge d’entraînement chronique effectuée sur une période plus longue (4 à 6 semaines). 

On sait qu’une charge chronique élevée et stable permet à l’athlète de progresser en produisant une adaptation de son métabolisme à un niveau supérieur. Si on gère bien l’évolution entre la charge chronique et la charge aiguë on peut réduire la fatigue et augmenter l’état de forme de l’athlète. A l’inverse, si la charge aiguë est supérieure à la charge chronique, alors l’athlète s’expose à une accumulation trop importante de fatigue que l’organisme ne pourra pas assimiler ou à un risque de blessure. 

Suivi de l’ACWR : 

  • Entre 0,8 et 1,3 : La charge d'entraînement aiguë est approximativement égale à la charge d'entraînement chronique. Dans ce cas, le risque de blessure est relativement faible.
  • >1,50 : Lorsque la charge aiguë subit une forte augmentation, l’athlète s’expose à un risque de blessure accru ou une mauvaise assimilation de la charge
  • ⚠️ une charge d’entraînement trop faible (sous-entraînement) peut également exposer l’athlète à la blessure (cf. Figure 2). Le sous-entraînement et le surentraînement provoquent ainsi un risque similaire de blessure. En effet, le sous-entraînement fait que l’athlète est sous préparé pour faire face aux exigences de l’entraînement.

Ainsi une charge d’entraînement chronique élevée pourrait protéger l’athlète de risque de blessure  en améliorant sa tolérance à la fatigue et la régulation de son système nerveux autonome lui permettant de mieux assimiler la charge d’entraînement aiguë. 

5. ACWR : La règle gagnante des 10% ? 

En suivant l’évolution de l’ACWR, si la charge aiguë n’est pas augmentée ou réduite de plus de 10% alors on ne va pas exposer l’athlète à la blessure. Effectivement, cette approche peut paraitre sécurisante pour l’entraîneur mais est-elle utilisable pour tous les athlètes ? 

Ici rien n’est moins certain, il reste des études à réaliser sur différentes populations et dans différentes disciplines pour valider un modèle adaptable, si bien entendu il est envisageable d’en trouver un ?! 

Malgré tout, si on utilise une approche « bénéfice vs risque » on peut penser que cette approche est tout de même sécurisante pour ne pas exposer les athlètes à une mauvaise assimilation de l’entraînement ou à un risque accru de blessure. Il ne faut pas oublier qu’une blessure oblige l’athlète à réduire ou stopper l’entraînement, ce qui a pour conséquence de réduire sa progression ou même le faire régresser. On peut également avoir une approche sur le risque acceptable, du genre pour un ACWR de 1,3 le risque de blessure est d’environ 4% et d’environ 16% pour un ACWR de 2. Il y a donc 86% de chance de ne pas se blesser avec un ACWR de 2. C’est donc à l’entraîneur de quantifier si ce risque est acceptable selon l’athlète et la période de la saison ! 

Il faut surtout être attentif aux fluctuations de charge trop fréquentes comme par exemple passer d’un ratio de -10% à un ratio de +15% qui a pour conséquence d’augmenter les risques de blessures. Une augmentation très brutale de la charge d’entraînement (>50%) peut exposer l’athlète à un risque nettement supérieur de blessure (+38%). On peut donc légitimement se poser la question sur l’intérêt des stages d’entraînement auxquels les athlètes ont l’habitude de participer en début de saison où leur volume d’entraînement est bien souvent augmenté de +50% (voir beaucoup plus). Ces stages d’entraînement exposent l’athlète à un risque élevé de blessure ou de fatigue pour un gain de progression très limité !


Une charge d’entraînement stable serait donc une approche intéressante pour prévenir les blessures et permettre à l’athlète de bien assimiler la charge mais celle-ci sera t’elle suffisante pour le faire progresser ? 

Si vous voulez faire progresser un athlète, il faut parfois savoir prendre des risques « controlés » en plaçant judicieusement des blocs de choc à haute intensité (HITSM) qui vont engendrer un stress métabolique profond permettant de grandes adaptations physiologiques. Ces mini-blocs HITSM ont également l’intérêt de repousser la capacité de l’athlète à tolérer la charge d’entraînement.  Mais du coup pour en tirer tous les bénéfices il faudra utiliser des blocs à basse intensité qui vont aider le système nerveux autonome (SNA) de l’athlète à se réguler afin d’assimiler la forte charge des blocs HITSM. Ce genre de bloc peut exposer un peu plus l’athlète à la blessure mais peuvent parfois être nécessaire pour le faire progresser et ainsi améliorer ses performances. Il faut surtout bien connaître l’athlète, sa charge individuelle et placer ces blocs HITSM à des moments opportuns comme par exemple une période où l’athlète pourra dormir 8h/ nuit pour bien assimiler la charge élevée. Il faut aussi savoir qu’un ACWR de 2 sera moins risqué pour un athlète ayant une charge d’entraînement chronique élevée en comparaison d’un athlète ayant une charge d’entraînement chronique faible. 

6. Quelle est l’approche recommandée pour gérer la charge d’entraînement et prévenir les blessures ? 

Ici on va reprendre le travail de Drew & al (2016) qui a établi une liste de bonnes pratiques à suivre qui est fondée sur des preuves :

  1. Etablir une charge d’entraînement chronique modérée 
  2. Minimiser les changements de charge d’entraînement d’une semaine sur l’autre 
  3. Eviter de dépasser un ACWR de 1,3
  4. Toujours maintenir une charge d’entraînement minimale
  5. Eviter les schémas de charges incohérents 
  6. S’assurer que la charge d’entraînement est en rapport avec les exigences de la discipline préparée
  7. Surveiller l’état adaptatif de l’athlète après les blocs HITSM pour vérifier sa bonne assimilation. La mesure HRV pourrait s’avérer un outil efficace dans ce cas.

La conclusion de cette étude étant qu’une charge d’entraînement chronique élevée peut être associée à un risque de blessure plus faible, à condition que cette charge d’entraînement chronique soit réalisée en toute sécurité. 

7. Exemple concret

En alliant le suivi de l’ACWR avec le suivi de la HRV, on peut vraiment optimiser le suivi individuel de la charge d’entraînement.


Voici l’exemple du suivi d’un triathlète spécialisé sur la distance IronMan. Le but de ces 5 dernières semaines était d’élever le volume d’entraînement en course à pied tout en contrôlant l’ACWR et l’adaptation du système nerveux autonome (SNA) qu’on peut suivre via la HRV. 

Il est intéressant de voir qu’un ACWR élevé durant 3 semaines (1.7 en S52, 1.4 en S1, 1.8 en S2) a fait diminuer la HRV puis 2 semaines avec un ACWR dans le Sweet Spot (1.1 en S3, 1.3 en S4) a fait remonter la HRV preuve d’une adaptation positive à l’entraînement. 

L’adaptation à l’entraînement est positive, ce qui indique une bonne assimilation de la charge.

8. En conclusion 

Ça peut paraitre paradoxal mais différents travaux montrent qu’un athlète risque moins de se blesser en ayant une charge d’entraînement élevée mais régulière plutôt qu’une charge d’entraînement qui va augmenter chaque semaine puis fortement se réduire (exemple : modèle avec 3 semaines de charge progressive puis 1 semaine avec une forte baisse de charge pour récupérer). Des travaux récents ont mis en évidence que le risque de blessure ou d’une mauvaise assimilation de la charge d’entraînement est augmenté lorsque la charge d’entraînement aiguë (moyenne de charge de la dernière semaine d’entraînement) est trop augmentée ou trop réduite par rapport à la charge d’entraînement chronique (moyenne de la charge des 4 dernières semaines d’entraînement). 

En suivant l’évolution de l’ACWR, l’entraîneur peut avoir un guide pour optimiser l’entraînement des athlètes qu’il accompagne. L’ACWR représente une approche intéressante pour la programmation de l’entraînement ou par améliorer la phase d’affûtage avant un objectif majeur. La surveillance de l’ACWR est une clé importante pour optimiser l’entraînement et réduire le risque de blessures lié à l’entraînement. 

Mais attention, l’ACWR est une méthode certes intéressante et séduisante mais il n’existe pas de solution unique et miracle pour le contrôle de la charge d’entraînement ! Il est important de prendre en compte d’autres paramètres.

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Ce qu’il faut retenir : 

⚠ Une charge d’entraînement excessive peut augmenter les risques de blessures 

  • Une charge d’entraînement chronique élevée peut prévenir les blessures si elle est bien gérée
  • Les athlètes ayant une charge d’entraînement chronique élevée avec une forte proportion de base aérobie tolèrent mieux le travail à haute intensité 
  • Une bonne gestion de la charge d’entraînement permet de prévenir les blessures 
  • Une mauvaise gestion de la charge d’entraînement avec de fortes augmentations et des fortes baisses peut exposer l’athlète à la blessure 
  • Lorsque la charge aiguë (charge de la semaine) est proche de la charge d’entrainement chronique (moyenne de la charge des 4 dernières semaines) alors le risque de blessure est faible 
  • S’exposer régulièrement à une charge d’entraînement élevée permet de réduire le risque de blessure, de mieux tolérer la charge d’entraînement et améliore l’état de forme 
  • Une période de sous-entraînement expose également l’athlète à un risque de blessure accru 
  • Une blessure est multifactorielle, une seule variable comme le suivi de l’ACWR ne permet pas à elle seule de prédire la survenue d’une blessure mais elle peut la limiter.

Pour en savoir plus : 

  • Banister EW, Calvert TW (1980). Planning for future performance: implications for long term training. Can J Appl Sport Sci. 
  • Blanch P, Gabbett TJ (2015). Has the athlete trained enough to return to play safely? The acute:chronic workload ratio permits clinicians to quantify a player’s risk of subsequent injury. Br J Sports Med.
  • Blanch P, Gabbett TJ (2016). Has the athlete trained enough to return to play safely? The acute:chronic workload ratio permits clinicians to quantify a player’s risk of subsequent injury. Br J Sports Med.
  • Buist I, Bredeweg SW, van Mechelen W, et al (2008). No effect of a graded training program on the number of running-related injuries in novice runners: a randomized controlled trial. Am J Sports Med. 
  • Colby MJ, Dawson B, Heasman J, et al (2017). Preseason workload volume and high-risk periods for noncontact injury across multiple Australian Football League seasons. J Strength Cond Res.  
  • Foster C (1998). Monitoring training in athletes with reference to overtraining syndrome. Med Sci Sports Exerc. 
  • Gabbett, T.J (2016). The training—injury prevention paradox: should athletes be training smarterandharder? Br J Sports Med. 
  • Gabbett, T. J., Nassis, G. P., Oetter, E., Pretorius, J., Johnston, N., Medina, D., et al (2017). The athlete monitoring cycle: a practical guide to interpreting andapplying training monitoring data. Br. J. Sports Med. 
  • Hulin BT, Gabbett TJ (2019). Indeed association does not equal prediction: the never-ending search for the perfect acute:chronic workload ratio. Br J Sports Med. 
  • Meeusen R, Duclos M, Foster C, et al (2013). Prevention, diagnosis, and treatment of the overtraining syndrome: joint consensus statement of the European College of Sport Science and the American College of Sports Medicine. MedSci Sports Exerc. 
  • Wahl P, Zinner C, Grosskopf C, et al (2013). Passive recovery is superior to active recovery during a high-intensity shock microcycle. J Strength Cond Res.

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Karoly Spy
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Karoly Spy est un entraîneur spécialisé dans les sports d'endurance. Il est passionné par l'approche scientifique de l'entraînement et la physiologie de l'exercice. Il combine sa pratique personnelle du sport avec son savoir scientifique pour offrir le meilleur aux athlètes.