Comment s'entraîner en plaine pour un Trail en montagne ?
La montagne, ça vous gagne ! Que l’on en soit originaire, ou que l’on ait découvert la montagne à l’occasion de nos vacances, il est fréquent que l’appel des grands espaces et de la nature sauvage nous attire irrémédiablement vers le Trail en montagne. Cependant, on peut habiter en plaine, et à plusieurs heures des premiers massifs ! Pas de panique : il existe des solutions pour préparer un Trail de montagne quand on habite en plaine !
Les exigences du trail de montagne
En anglais, « Trail » signifie sentier. Donc, techniquement, toutes les courses à pied d’endurance, empruntant des sentiers, en semi-autonomie, peuvent être qualifiées de Trails. En pratique, on trouve des Trails partout en France, y compris en plaine. Les organisateurs proposent généralement de découvrir le patrimoine naturel de leur territoire, en agrémentant le parcours de toutes les difficultés possibles. Mais on est très loin d’atteindre la pente moyenne que vous pouvez rencontrer lors d’un Trail en montagne, celui qui nous fait rêver depuis des années ! Son dénivelé est compris généralement entre 40 et 60 mètres de dénivelé positif (D+) par kilomètre parcouru :
- Carlit Marathon à Font Romeu : 45 km – 1 800 D+, soit 40 m de D+ par km.
- Trail des Templiers à Millau : 80 km – 3500 D+, soit 43 m de D+ par km.
- Trail du Sancy au Mont Dore : 35 km – 2000 D+, soit 57 m de D+ par km.
- Marathon du Mont Blanc à Chamonix : 42 km – 2500 D+, soit 59 m de D+ par km.
- CCC à l’UTMB à Chamonix : 100 km – 6100 D+, soit 61 m de D+ par km.
- Marathon du Montcalm à Auzat : 42 km – 2 700 D+, soit 64 m de D+ par km.
- La Diagonale des Fous sur l’ile de La Réunion : 160 km – 10 000 D+, soit 62 m de D+ par km.
Cette contrainte, liée à la topographie des parcours, va poser quatre problèmes principaux que nous devons résoudre en adaptant l’entraînement.
Augmentation des contraintes musculaires
Cette première contrainte de dénivelé est sans doute la plus importante. La biomécanique de la foulée est différente quand la pente s’élève. En montée, les extenseurs des hanches (fessiers, ischio-jambiers, quadriceps), les extenseurs des genoux (tous les muscles des quadriceps, tenseur du fascia-lata) et des mollets travaillent plus intensément et dans des amplitudes plus grandes. En descente, ces mêmes muscles subissent des contractions excentriques pour contrer l’énergie cinétique et éviter de dévaler plus vite que prévu ! Et ce type de contraction est assez destructeur pour les fibres musculaires, surtout si elles n’y sont pas préparées. Des séances spécifiques viennent alors s’imposer.
La séance de côtes
Il est indispensable d’introduire des séances de côtes variées dans l’entraînement. Comme en plaine, on n’a pas toujours accès à de longues côtes, on opte pour des répétitions de côtes courtes ! La seule limite dans ce domaine est l’imagination :
- En aller/retour.
- En navette.
- En aller long et retour direct.
- En variant les intentions de fréquence et d’amplitude.
- En alternant les pentes et les longueurs.
Comme pour une séance de Vitesse Maximale Aérobie (VMA), il est possible de faire durer l’exercice de 20 à 40 minutes, en fonction de l’intensité et de la durée de la récupération.
La séance de descentes
S’il est habituel de faire l’effort en montée et de récupérer en descente, il est aussi possible de faire l’inverse ! Faire l’effort en descente va créer des adaptations aux contractions excentriques, nous rendant plus forts. Cela développera nos compétences techniques et émotionnelles dans ce type d’exercice, ce qui est également un facteur important de performance. On choisira des descentes variées en termes de pente et de technicité, puis on prendra le temps de récupérer en marchant, lors de la remontée. On peut aussi trouver un moyen de se faire remonter !
La séance d'escaliers
À défaut de retrouver des côtes proches de chez soi, il y a également les escaliers urbains. Le travail est très intéressant, car il simule avantageusement la progression dans les blocs et marches de certains Trails (Madère, La Réunion...).
Comme pour les côtes, on conseille de varier les intentions afin de stimuler les adaptations musculaires d’une part, et de combattre la lassitude d’autre part. On peut varier l’amplitude (prendre les marches 1 par 1, puis 2 par 2, ou plus), et alterner entre la course et la marche.
Le renforcement en salle
Lorsqu’on a le temps et les moyens, on peut également se mettre au renforcement musculaire en salle : musculation, CrossTraining, abdos/gainage, préparation physique individuelle avec un professionnel… Ces séances ne remplacent pas une séance de course habituelle !
Augmentation du temps de course
Le deuxième effet d’un dénivelé important est l’augmentation sensible du temps de course ! Pour se rendre compte du temps que l’on passera dans la montagne, on ajoute l’équivalent d’un kilomètre supplémentaire pour 100 mètres de dénivelé positif (D+). C’est le fameux « kilomètre effort » popularisé par le Skyrunner italien Bruno Brunod. Plus le terrain est vallonné, plus on met de temps pour parcourir une même distance.
Par exemple, je pense pouvoir évoluer à 6 min/km sur un 50 kilomètres en plaine, soit environ 5 heures de course. En revanche, si la course propose 50 kilomètres avec 3 000 mètres de dénivelé positif, je compte 80 kilomètres de « kilomètre effort » (50 + 30), soit 8 heures de course (+ 60%) !
On adapte donc la planification en conséquence. Il faudra aussi inclure des sorties en rando-course de plusieurs heures, des « week-ends chocs », et de tester l’entraînement croisé (vélo et course à pied, par exemple). Cela va aussi améliorer l’endurance mentale : résistance à la lassitude et à la douleur. Et par la même occasion, cela augmentera la capacité du système nerveux central à durer dans l’effort sans flancher, l’un des facteurs limitants en ultra.
Modification du mode de déplacement
Avec l’augmentation du temps d’effort, le dénivelé va immanquablement jouer sur la modification de la façon de se déplacer. Concrètement, on marche beaucoup plus ! Si l’on n’y est pas préparé, cela peut entraîner de nouvelles difficultés. On va donc inclure de la marche dans les séances d’entraînement, voici quelques possibilités :
- Marcher systématiquement quand la pente est raide.
- Alterner marche et course sur le plat, en mode « Cyrano » avec 14 minutes de course et 1 minute de marche, par exemple.
- Marcher lorsque l’on boit ou s’alimente.
- Instaurer le « rando-taf ».
- Saisir chaque opportunité pour aller marcher, même pour une balade en famille après l’entraînement !
La gestion de l'altitude
Après les côtes, la marche, et les sorties très longues, on peut se penser prêt pour son prochain Trail en montagne. Néanmoins, l’altitude est aussi à paramètre à considérer, si la course se déroule dans les hauteurs ! S’il y a un paramètre qui est difficile à simuler, c’est l’hypoxie : la baisse de l’oxygénation du sang liée à la baisse de la pression de l’air en altitude.
L’entraînement va permettre d’améliorer les capacités globales à capter le dioxygène par le système respiratoire, le transporter via le système cardio-vasculaire, et l’utiliser dans nos cellules (c’est ce que l’on nomme l’aérobie). Il ne faut donc pas faire l’impasse sur ce qui fait la force du Trailer des plaines : les qualités de coureur ! On conserve donc la séance hebdomadaire de VMA, et celle de travail « au seuil », ce qui donnera plus d’aisance au sommet. Les qualités cardiaques ainsi développées ne seront qu’un avantage supplémentaire dans les difficultés.
Finalement, il faudra accepter d’adapter l’allure le jour J, afin de ne pas exploser prématurément.
Voici donc plusieurs conseils incontournables pour s’épanouir dans sa pratique, même si l’on habite en plaine !
Le dernier conseil bonus pour parfaire sa préparation et encore mieux faire rimer plaine et montagne : faire des stages ou des week-ends dans une région montagneuse ! Quoi de mieux qu’un bon bloc de dénivelé sur quelques jours pour préparer ses muscles ? On pourra aussi profiter de ces périodes pour découvrir le patrimoine local : la clé, c’est l’adaptation !