Les bonnes méthodes pour déterminer les frontières entre les zones d’entraînement
Prescrire des intensités d’entraînement pour obtenir des adaptations physiologiques souhaitées est essentiel, mais bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Cet article est le troisième d’une série de 4 articles sur la prescription des intensités d’entraînement.
Le premier article a présenté les 4 domaines d’intensités qui sont définis par des perturbations homéostatiques comme la cinétique de la consommation d'oxygène et la réponse de la lactatémie.
Dans un second article, nous avons expliqué l'élaboration des différentes zones d’intensité.
Dans ce troisième article, nous présenterons les méthodes pour délimiter les différentes intensités.
En premier nous présenterons la méthode à partir d’ancrages maximaux, puis la méthode à partir d’ancrages sous-maximaux et pour finir nous traiterons des méthodes de réserve.
Avant de commencer, nous allons donner une courte définition de l'ancrage. Dans le contexte de la prescription des intensités d'entraînement sportif, il s'agit de l'établissement d'un point de référence ou d'une valeur cible pour la charge de travail ou l'intensité de l'exercice.
Le but est de définir un niveau approprié d'intensité ou de résistance qui permettra d'atteindre les objectifs d'entraînement spécifiques.
Prescription de l'intensité de l'exercice par rapport aux ancrages maximaux.
Plusieurs méthodes de délimitation des zones d’entraînement utilisent un pourcentage de diverses mesures maximales d’ancrage, telles que V̇O2max (%VO2max), la fréquence cardiaque maximale (%FCmax) et la puissance maximale aérobie ou vitesse maximale aérobie (respectivement PMA et VMA), dérivé d’un test incrémental ou d’un test 4min, 5min ou 6min (respectivement CP4, CP5 ou CP6).
On observe souvent dans les études réalisées en laboratoire que l'intensité de l'exercice est prescrite en fonction d'un pourcentage du VO2max, de la FCmax ou de la PMA / VMA. Les prescriptions à partir d’ancrages maximaux en pourcentage supposent que tous les participants d'une cohorte subiront des perturbations homéostatiques similaires à la même intensité relative.
Bien qu'il existe une fiabilité test-retest élevée pour V̇O2max, PMA ou VMA et FCmax, sur la base des preuves en laboratoire et sur le terrain, prescrire l'intensité de l'exercice en tant que pourcentage fixe de ces ancrages maximaux présente des lacunes en tant que moyen de normaliser l'intensité de l'exercice entre personnes. En effet, Scharhag-Rosenberger, Friederike et al. (2010) ont montré qu’il existe une grande variabilité pour les réponses physiologiques à un pourcentage fixe de VO2max et que cette réponse devient d'autant plus variable que le pourcentage de V̇Omax augmente. En effet, il n’est pas rare de voir que le seuil ventilatoire 1 (SV1) et seuil ventilatoire 2 (SV2) interviennent à des pourcentages de VO2max différents selon les athlètes, par exemple le seuil 2 peut varier de 80 à 95% de VO2max (en savoir plus sur l'entraînement au seuil). Il est donc assez logique d’observer des réponses physiologiques différentes entre 2 athlètes avec des emplacements de seuils différents, bien qu’ils soient tous les deux à 80% de VO2max.
Chaque discipline a aussi ses normes de performance, notamment dans l’emplacement des seuils. Il est donc intéressant d’établir le profil d’un athlète avec ces données et de les comparer ensuite aux normes de sa discipline.
Concernant la PMA et la VMA, celles-ci ne sont pas des paramètres physiologiques et par conséquent, elles dépendent de la pente et de la durée du test incrémental ou de la durée de l’effort choisi, CP4, CP5 ou CP6. Le protocole du test incrémental influence aussi la détermination de VO2max, et la pente de celui-ci module la relation entre VO et FC-Puissance. De plus, l'extrapolation d’une intensité de travail à partir d'un test incrémental ne tient pas compte de la relation non linéaire entre VO2 ou FC et la puissance.
L'intensité de l'exercice prescrite par rapport aux ancres maximales entraîne une perturbation homéostatique hétérogène, et un ou plusieurs pourcentages fixes ne peuvent pas être utilisés comme proxy valide pour les ancres sous-maximales (par exemple, 65% de PMA pour le SV1 ou 80% pour le SV2).
Compte tenu de ces limitations, il n'est pas recommandé de prescrire l'intensité de l'exercice uniquement par rapport aux ancrages maximaux comme moyen de normaliser l'intensité de l'exercice.
Prescription de l'intensité de l'exercice par rapport aux ancrages sous-maximaux.
D’autres méthodes utilisent des ancrages sous-maximaux, ceux-ci sont censés représenter des changements dans l'état métabolique du muscle en activité et sont pour la plupart dérivés d'un test incrémental. Ces points d’ancrage peuvent également être utilisés pour prescrire l'intensité de l’exercice.
Les points d’ancrage fréquemment utilisés sont souvent reliés avec :
Le premier seuil :
- Seuil ventilatoire 1 (SV1 - GET)
- Seuil lactate 1 (LT1)
Le deuxième seuil :
- Deuxième seuil ventilatoire (SV2 - RCP)
- Deuxièmes seuils lactate (LT2)
- L'état d'équilibre maximal du lactate (MLSS)
- La puissance/vitesse critique (CP et CS)
Tous ces points d’ancrage nécessitent des tests physiologiques (sauf la mesure de la puissance ou vitesse critique).
Les ancres sous-maximales permettent de délimiter les domaines d'exercice modéré, élevé et sévère (figure 1). GET, VT1 et LT1 permettent de délimiter l’intensité modérée de l'intensité élevée. RCP, VT2, LT2, MLSS, CP ou CS permettent de délimiter l’intensité élevée de l’intensité sévère. Faire la démarcation entre les domaines d’intensités permet de normaliser l'intensité de l’exercice entre les athlètes, par conséquent, la méthode de prescription des intensités basées sur des ancres sous-maximales semble être une méthode valide.
Prescription de l'intensité de l'exercice par rapport aux ancrages de réserves.
Il existe aussi des méthodes qui prescrivent l'intensité en fonction des différences entre les valeurs au repos et les valeurs maximales (c'est-à-dire une « réserve »). Ces méthodes sont appelées : fréquence cardiaque (FC) de réserve (%FCR) ou encore V̇O2 de réserve (%VO2R).
Une autre alternative est la méthode delta « ∆ », il n’existe pas de protocole normalisé pour l’établir, mais l’idée de cette méthode est de prendre la différence entre la PMA ou VMA et une ancre sous-maximale (GET, SV1 ou LT1). La méthode « ∆ » donnerait des réponses physiologiques plus homogènes que des pourcentages fixes de VO2max selon Lansley & al. (2011).
La méthode « ∆ » est intéressante, mais le manque d’études et le risque d’avoir des valeurs maximales mal évaluées font que cette méthode et les autres méthodes de réserve (%FCR, %VO2R) ne peuvent pas être recommandées comme une option viable pour normaliser l'intensité de l’exercice.
Ce qu'il faut retenir sur la prescription de l'intensité
- La prescription d'exercice basée uniquement sur le VO2max, la FCmax et la PMA ou VMA ne permettent pas de provoquer une réponse physiologique homogène dans un groupe d’entraînement.
- GET, SV1 et LT1 permettent de délimiter l’intensité modérée de l'intensité élevée.
- RCP, SV2, LT2, MLSS, CP ou encore CS, permettent de délimiter l’intensité élevée de l’intensité sévère.
- Les méthodes de réserve ne peuvent pas être recommandées comme une option viable pour normaliser l'intensité de l’exercice.
- Utiliser plusieurs ancres (par exemple, SV1, SV2 et PMA) est le moyen le plus précis pour prescrire les intensités et organiser les zones d’entraînement (figure 2 A & B). Tout misé sur une seule ancre augmente la part d’estimation et par conséquent le risque d’erreur de prescription de l’intensité d’exercice.