Le VO2Max seul suffit-il à prédire la performance ?

Entraînement
18/10/2023

Pour rappel, le VO2Max représente la capacité maximale des systèmes pulmonaires, cardiovasculaires et musculaires à absorber, transporter et utiliser l'oxygène.

Si l'on imagine une course avec deux coureurs avec des VO2Max de 80 ml/kg/min, comment savoir lequel des deux coureurs sera le vainqueur ?

Pour en savoir plus sur ce qu'est le VO2Max, ses facteurs limitants et son utilisation dans l'entraînement, n'hésitez pas à consulter cet article.

Différencier mesure fonctionnelle et mesure de performance

VO2Max : Une mesure fonctionnelle

Certains entraîneurs pensent que la valeur de VO2Max peut déterminer les résultats d’une course, avant même la course. D’autres pensent que le VO2Max est inutile car il ne peut pas prédire le classement d’une course parmi les coureurs d'élite.

En réalité, ces deux visions sont vraies. Si deux coureurs se présentent à une course et que l'un a un VO2Max de 50 ml/kg/min, et l'autre un VO2Max de 80 ml/kg/min, on peut parier que ce dernier gagnera. Mais, lorsque deux athlètes avec des valeurs de VO2Max élevées s'affrontent, on ne peut pas prédire le vainqueur. Il faudra prendre en compte d'autres facteurs en dehors de le VO2Max pour départager ces coureurs.

Pour cela, il faut différencier les mesures fonctionnelles et les mesures de performance. En effet, le VO2Max est une mesure « fonctionnelle », pas une mesure de performance (Coyle, E F., 1999).

L'exemple suivant, appliqué aux voitures, permet d'expliquer la distinction : une mesure fonctionnelle d'une voiture est par exemple la puissance du moteur et cette mesure ne dit rien sur la performance de la voiture. Les mesures de performances seront plutôt, la distance que la voiture peut parcourir, la vitesse à laquelle elle peut passer de 0 à 100km/h ou encore le nombre de litres d’essence par 100km.

De la même manière, le VO2Max permet d’évaluer la capacité du système oxydatif d’un athlète mais pas de prédire combien de watts un athlète peut produire ni à quelle vitesse il roulera.

Des tests physiologiques inutiles ?

Beaucoup d’entraîneurs ont donc pensé que, comme le VO2Max ne les aide pas directement pour entraîner leurs athlètes et prédire la performance, les tests physiologiques étaient inutiles.

Également, les tests d’effort ont souvent comme seuls résultats le VO2Max et les emplacements des 2 seuils. Or, un test physiologique réalisé dans un contexte de suivi de la performance de l’athlète n'est pas la même chose qu’un test d’effort fait en hôpital... Le test d’effort est avant tout un test de santé. Il permet de vérifier que l’athlète est apte à la pratique du sport. Dans le cadre d’un test physiologique, les données obtenues sont bien plus complètes et elles permettent d’établir le profil de l’athlète.

L’économie, une donnée essentielle en endurance

Pour revenir à nos deux athlètes avec un VO2Max de 80 ml/kg/min, on ne peut pas prédire qui sera le plus rapide seulement à partir de leur VO2Max. Il faut aller plus loin.

Pour cela, une donnée très importante à prendre en compte chez les sportifs de haut niveau est l’économie. Cette donnée est cruciale pour obtenir le profil d’un athlète. En effet, deux coureurs peuvent avoir le même VO2Max, la même puissance critique et pourtant avoir une PMA ou VMA différente.

Cela s'explique par des différences d'économie. Cela correspond à l'énergie dépensée par rapport à l'énergie produite. L'économie de course est mesurée comme le taux de consommation d'oxygène pour pédaler à une certaine puissance ou courir à une certaine vitesse. C’est un peu comme la consommation d’essence de votre voiture, pour une même vitesse, certaines voitures dépensent moins de carburant pour parcourir 100km.

Progresser sans augmenter son VO2Max : l'exemple de Paula Radcliffe

Ainsi, les améliorations de l'économie permettent aux athlètes d’être plus puissant pour la même consommation d'oxygène et d'atteindre des performances supérieures, comme la célèbre étude de cas sur Paula Radcliffe intitulée « The Physiology of the World Record Holder for the Women's Marathon » (Jones, 2006).

D’après les données publiées par Andrew Jones sur Paula Radcliffe, son VO2Max n’a pas sensiblement évolué entre 1992 et 2003 alors que dans le même temps, sa vitesse associée à VO2Max (VMA) n’a cessé d’augmenter, passant de 20,5km/h à 23km/h. Les données issues de cet article montrent également que la running economy s’est sensiblement améliorée entre 1992 et 2003, expliquant ainsi l’augmentation de sa VMA sans augmentation du VO2Max. En 5 ans, Paula Radcliffe a amélioré de 14% son économie, ce qui est une amélioration significative. Pour reprendre l’analogie de la voiture, la puissance du moteur de Paula Radcliffe n’a pas augmenté mais l'économie s’est améliorée, permettant ainsi une consommation d’énergie moindre pour des vitesses sous-maximales. En améliorant son économie au fil des années, Paula Radcliffe a amélioré sa performance, indépendamment d’une augmentation de VO2Max. En effet, il est aussi intéressant de noter que malgré une forte augmentation du volume d’entraînement au fil des années (de 30-50km à 190-260km/semaine), le VO2Max de Paula Radcliffe est resté stable. Ces données suggèrent qu’une fois l’atteinte d’un VO2Max excellent, il devient difficile de l’améliorer. Cependant, ce n'est certainement pas une vérité absolue, rappelons que ces données proviennent de l'étude d'une seule athlète. Il faudrait un groupe de sujets bien plus conséquent pour établir des conclusions. Cette étude montre tout de même que pour augmenter ses performances, il ne faut pas tout miser sur le VO2Max.

On retrouve aussi des données très intéressantes sur des cyclistes professionnels. Les données des tests physiologiques de 12 coureurs ont été analysées pendant 5 ans de suite, suivant la même méthode et dans le même laboratoire (Santalla, Alfredo et al., 2009). Durant ces 5 années, la performance des cyclistes a augmenté mais leur VO2Max est resté stable. En revanche, leur économie s’est sans cesse améliorée au fil des années.

Cette étude souligne encore une fois que le VO2max ne suffit pas pour expliquer la performance et suivre le progrès des athlètes d’élites.

Les seuils d'intensité

Les seuils constituent également des données indispensables à l’établissement d’un profil d’athlète d’endurance.

Il a été démontré par Laursen et al. (2003), que malgré un VO2Max identique, la vitesse sur un contre la montre de 40km a été beaucoup plus rapide chez ceux qui possédaient un deuxième seuil plus élevé (SV2).

De plus, on remarque assez logiquement que ceux qui ont maintenu un plus haut % de VO2Max durant le contre la montre sont allés plus vite.

On peut donc considérer la puissance ou la vitesse au seuil 2, ainsi que l’emplacements des seuils en % de VO2Max comme des critères importants de la performance.

Dans une étude de Coyle, E F et al. (1988), un groupe de 14 cyclistes avait le même VO2Max (2% de différence maximale) et a ensuite réalisé un test de temps limite à 88% des VO2Max respectives. Le temps de soutien était jusqu’à 6 fois supérieur chez certains, allant de 12 à 75min. Le sujet ayant tenu 12min à 88% VO2Max avait un seuil 1 à 59% de VO2Max et le sujet ayant tenu 75min avait un seuil 1 à 85,5% de VO2Max.

D'après l'étude de Coyle et al., la performance est associée avec un plus haut pourcentage de VO2Max aux différents seuils. Cette étude démontre également que des fractions d’utilisation du VO2Max plus élevées aux seuils sont corrélées aux nombres d’années d’entraînement en cyclisme et à un pourcentage plus élevé de fibres de type I (Coyle, E F et al., 1988).

Ainsi, Il semble essentiel de regarder non seulement les puissances, ou vitesses, aux seuils 1 et 2 mais aussi la fraction d’utilisation du VO2Max.

Prédire qui sera le plus performant

Retour sur le projet Breaking 2

Prédire qui sera le plus performant, c’est la question que se sont posé les sport scientists du projet Breaking 2. En effet, les scientifiques impliqués dans le projet de passer sous la barre des 2 heures au marathon ont dû sélectionner les coureurs potentiellement capables de cet exploit.

Pour cela, ils ont choisi quelques indicateurs clés dans le but de prédire la performance. (Jones, Andrew M et al., 2021).

Notons que pour avoir une estimation la plus fiable possible, l’équipe du projet Breaking 2 est sorti du Nike Sport Research Lab pour faire des tests sur le terrain.

Pour prédire le potentiel de performance des coureurs, il a été retenu de diviser le VO2 mesuré au premier seuil par l’économie de course. Ainsi, pour un athlète avec un VO2 au seuil 1 de 60 mL/kg/min et une économie de course de 185 mL/kg/km : 60*60/185 = 19,46 km/h soit un marathon en 2 heures 10 minutes et 07 secondes.

Ils ont ainsi réussi à prédire avec justesse la meilleure performance réalisée par les athlètes (2:08:31 ± 00:06:04 estimé contre 2:08:40 ± 00:03:48 en performance record).

Cette étude est très intéressante et impossible à résumer en quelques lignes. Étant donné qu’elle est en libre accès, on vous conseille vivement d’aller la lire !

La durability de l'athlète

Dans son podcast, Andrew Jones, un des chercheurs du projet Breaking 2, explique qu’il aurait été intéressant de tester la durability des athlètes. Pour lui, la hiérarchie des athlètes aurait été différente si les tests avaient été réalisés après 20km allure marathon. On peut définir la durability comme la résilience d'un athlète à supporter un travail physique pendant de très longues durées. Cela pourrait se mesurer en faisant des tests physiologiques non pas en étant frais mais en étant déjà fatigué. Ce sujet est de plus en plus étudié et il ne fait aucun doute que l'on pourra mieux comprendre les moyens de tester la durability et les mécanismes sous-jacents dans les prochaines années.

Prédire la performance : un ensemble de facteurs

On peut retenir que bien que beaucoup d’autres données rentrent en compte dans la performance d’un athlète (durability, puissance glycolytique, système respiratoire, FatMax, composition corporelle…). Le VO2Max relative au poids de corps, l’économie et les seuils sont les 3 données les plus corrélées à la performance (figure 1).

Cependant, ce n’est pas une de ces données prises isolement qui suffira à prédire la performance. Il n’est également pas possible d’avoir des valeurs hors normes sur toutes les mesures physiologiques. Il y a des compromis. Par exemple, celui avec le meilleur VO2Max n’aura certainement pas la meilleure économie, et inversement. Pour être performant, il faut avoir la bonne balance physiologique entre toutes les capacités.

Figure 1. Dans les sports d'endurance, celui qui a le VO2Max le plus élevé, la puissance ou la vitesse la plus élevée possible soutenable dans un état stable (emplacement des seuils) et la meilleure économie est quasi systématiquement le plus performant.

Figure 2. Pour fournir le profil de l'athlète le plus précis possible, de nombreuses mesures peuvent être utilisées.

Plus il y a de données sur l’athlète et plus son profil est complet, plus la performance est comprise. D’ailleurs, les tests réalisés sur des athlètes permettent d’obtenir plus d’une trentaine de mesures (figure 2), de quoi comprendre au mieux son corps où celui de l’athlète qu’on entraîne. 💪

Pour utiliser ces données, les sport-scientists analysent ensuite les résultats en comparant chaque indicateur à des bases de données références. Ainsi, vous savez vers quoi orienter votre entraînement ou celui de vos athlètes pour progresser !

Conclusion

Il est possible de prédire la performance entre 2 athlètes avec un VO2Max très différent, celui avec le VO2Max le plus élevé est généralement le plus performant.

Il n’est cependant pas possible de dire qui sera le plus performant entre 2 athlètes avec un VO2Max très proche, pour cela il faut regarder d’autres données.

Si 2 athlètes avec le même VO2Max s’affrontent, ce qui fera la différence entre les 2 sera l'emplacement des seuils et l’économie.

On considère que les 3 données essentielles pour profiler un athlète d’endurance sont le VO2Max, les seuils et l’économie.

Et enfin si les facteurs physiques ne sont pas assez discriminants pour prédire la performance sur des profils très proches, il s’agira de creuser les aspects psychologiques qui jouent un rôle prédominant dans la performance. En s’appuyant notamment sur des concepts tels que la résilience, la résistance mentale, la gestion de l’effort et sa perception, la personnalité et la motivation de l’athlète, plusieurs articles confirment que la vision d’évaluer la performance à 360° est indispensable à haut niveau.

Pour conclure, ne cherchez plus un chiffre comme représentatif de votre niveau de performance mais considérez plusieurs données qui, associées entre elles, expliqueront votre potentiel de performance.

Sport Scientist - Créateur du Podcast "Cyclisme Performance"

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