S'entraîner et récuperer, juste une question de bon sens ?
En course à pied, il est courant de constater une tendance à un alourdissement des charges d’entraînement, mais aussi un allongement des durées et parfois une augmentation des intensités et des distances, avec une diminution des phases de récupération.
La culture du No Pain No Gain et du dépassement de soi étant ancrée dans la société, la surenchère devient commune dans notre pratique, mais à quel prix ?
Le principe de l’entraînement
L’inconfort, c’est ce que l’on recherche à travers l’entraînement, et c’est ce qui va finalement nous amener à la progression. Lorsque l’on soumet le corps à une charge d’entraînement adaptée à son potentiel, la capacité de travail de l’organisme évolue de diverses manières :
* Tout d’abord par une diminution de cette capacité (fatigue),
• Puis par une restauration (phase de compensation qui dure de quelques minutes à plusieurs heures),
• Ensuite une phase de surcompensation (ou overcompensation), qui provoque des changements structurels et fonctionnels (le corps n’est pas mathématique),
• Enfin une phase de stabilisation à un niveau proche du niveau initial.
De l’hormèse au surentraînement
En allant par exemple courir dans les sentiers, en fournissant des efforts réguliers, nous combattons le confort de notre mode de vie moderne et la surabondance de nourriture. Nous nous exposons de manière volontaire à la contrainte, à l’inconfort.
Cela revient à mettre en pratique le principe de l’hormèse, ou “d’anti fragilité” développé par Nassim Nicholas Taleb. Pour lui, nous pouvons être fragiles, soumis à un stress, robustes si on l’est capable de résister, et anti fragiles si le stress nous rend plus forts, avantage qui serait une propriété fondamentale de la vie.
L’hormèse, c’est simplement chercher dans la pratique du trail à atteindre ses limites personnelles, sans les dépasser, à sortir de sa zone de confort pour une courte durée, et ensuite récupérer avec un temps de repos. Aujourd’hui, la surenchère de l’entraînement et la diminution de notre temps de récupération nous amènent à imposer à notre corps des charges supérieures à ce qu’il serait capable d’encaisser. C’est ici que des réactions inflammatoires s’installent, et que le surentraînement (ou surmenage), puis la blessure nous guettent. Les recherches ayant étudié ce phénomène de surentraînement ont ainsi conclu qu’il pouvait affecter 65 % des athlètes d’endurance à un moment ou un autre de leur carrière sportive, compétitive ou non.
Trouver la bonne charge d’entraînement
Pour éviter de rentrer dans cet état de fatigue chronique, il est important de trouver les bonnes charges d’entraînement. Il faut prendre en compte tous les paramètres de la vie de l’athlète afin de définir un modèle global d’entraînement le plus adapté.
Aussi, et selon Fredéric Grappe, l’athlète est un transformateur d’énergie, et la puissance mécanique qu’il génère est la vraie réponse. La fréquence cardiaque (Fc), par exemple, n’est pas la réponse réelle, ni donc l’outil fondamental, car elle ne reflète pas tout le temps la réponse de l’exercice (nous sommes sujets au stress, à la chaleur, à la nature du terrain).
Ainsi, la perception de l’exercice ne répond pas à la fréquence cardiaque : elle va seulement nous guider dans l’entraînement.
Selon les périodes, il est également tout à fait possible de solliciter l’organisme avec différentes charges de travail :
• Des charges d’entraînement spécifiques, qui font référence aux exercices réalisés dans une gestuelle propre à l’activité et qui agissent sur certaines grandes fonctions importantes s’exprimant au cours d’une compétition. En trail, on peut évoquer le travail en dénivelé long ou les « ups and downs », qui sollicitent le corps dans des successions de montées et de descentes.
• Des charges d’entraînement générales, qui contribuent au développement de certaines qualités physiques de base, notamment par une préparation physique (posture, renforcement, gainage) ou des footings en mode LSD (Long Slow Distance).
• Des charges d’entraînement dites « analytiques », qui font principalement référence à des exercices inhabituels, programmés spécifiquement pour avoir une action ciblée sur une fonction précise, qu’il est très difficile d’améliorer par les actions conjuguées des charges d’entraînement spécifiques et générales. Dans notre approche, on peut ainsi évoquer les séances en Myo Cross Max© ou en Jerk© en côtes, qui vont cibler un travail spécifique d’intensité élevée, afin de stimuler l’organisme dans des secteurs qu’il n’a pas l’habitude de côtoyer.
• Des charges de compétitions qui font référence au nombre de compétitions disputées chaque année et qui demeurent un très bon moyen de stimulation des fonctions d’adaptation, car en compétition, l’athlète est capable de se surpasser et d’aller dans ses derniers retranchements (chose qu’il est plus difficile de réaliser à l’entraînement).
Bien sûr, le niveau maximal de performance dépend de nos limites personnelles (plus ou moins fortes selon les dimensions individuelles). On parle même de taux de progression qui serait différent selon le coureur et, naturellement, en réponse à la charge d’entraînement qu’on lui propose.
Les indicateurs de charge : Contrainte et Monotonie
On utilise aussi des principes sur lesquels les entraîneurs et les athlètes sont assez unanimes, et qui demeurent de comprendre les contraintes liées aux entraînements.
La contrainte de l’entraînement correspond au produit de la charge d’entraînement totale de la semaine par l’index de monotonie de la semaine, ce qui donne comme équation simple :
Contrainte = charge d’entraînement totale de la semaine × monotonie
En fait, et pour une charge d’entraînement donnée par semaine, plus la monotonie augmente, plus la contrainte augmente. Parallèlement, pour une monotonie donnée, accentuer la charge de travail augmente la contrainte.
On utilise aussi directement la monotonie de l’entraînement, en tant qu’ « index de variabilité de l’entraînement » corrélé avec la charge de travail. On peut définir cet index chaque semaine comme le rapport entre la charge d’entraînement moyenne d’une journée sur la déviation standard :
Monotonie = charge moyenne hebdomadaire / écart type
Pour éviter les phases de surmenage, il est toujours important de préserver une certaine variation de la charge d’entraînement dans la semaine, de façon à diminuer l’index de monotonie. Il est tout aussi impératif de varier les séances en intensité, en volume, en travail spécifique, pour y trouver aussi un certain plaisir.
Le programme d’entraînement bien conçu cherche donc à prendre en compte l’ensemble de ces paramètres, afin de coupler fatigue et récupération, qui mène à la progression. Tout le problème consiste donc à trouver le moment propice au « rappel » de l’exercice, ni trop tôt, ni trop tard. C’est pourquoi il est essentiel de trouver le bon dosage dans l’entraînement, entre le plaisir et l’efficience.