En cas de douleur à l'entraînement, que dois-je faire ?
Introduction
A ce jour, trop peu d’études scientifiques ont analysé les différentes stratégies de prévention et d’adaptation en cas de douleurs. Ces stratégies sont indispensables dans le sport en général et particulièrement pour le triathlon. Il est nécessaire de mettre en place des stratégies de prévention des blessures et de s’informer sur la gestion de la douleur. (1). Nous vous proposons ici notre vision qui associe pratique et preuves scientifiques.
Cushman et al (2022) (2) démontrent qu’il faut considérer le triathlon comme un ensemble et non pas comme une accumulation des trois sports. Une blessure liée à une des disciplines peut avoir un impact direct sur les deux autres. Il semblerait nécessaire que les cliniciens connaissent les trois disciplines, les spécificités pour chaque distance, ainsi que les scénarios courants amenant aux blessures.
Delvaux et al (2019) (3) ont publié un article dans lequel ils abordent l’épidémiologie des blessures des triathlètes. Il semblerait que le cyclisme et la course à pied soient responsables à eux deux de 90% des blessures. Seulement 20% des blessures seraient traumatiques et 80% seraient des blessures de surcharge / surutilisation.
Quelle est la différence entre une blessure et une gêne ?
Généralement, la blessure est définie par une ou plusieurs lésion(s) tissulaire(s). Cela engendre une baisse des performances et du volume d’entrainement. Le cas extrême étant l’incapacité partielle ou totale à participer à un entrainement ou à une compétition.
Ici, nous allons considérer la gêne comme une douleur légère et supportable, allant jusqu’à 3/10 sur l’ENA (Échelle Numérique Analogique) de la douleur. Elle n’empêche pas l’entrainement ou la participation à une compétition.
Échelle de la douleur simplifiée
Comment analyser une douleur ?
Pour analyser précisément une douleur, il est nécessaire de considérer ses différentes caractéristiques. Si douleur apparait, pensez à noter :
Guide pour analyser efficacement une douleur
Quelles sont les causes d’apparition d’une douleur ?
La douleur apparait à la suite de la souffrance d’une structure. Il existe de nombreux facteurs pouvant provoquer une douleur. Il est rare que l’apparition d’une douleur soit associée à un unique facteur. Il est important de prendre en compte l’ensemble des causes possibles de la douleur. Illustrée par des exemples, nous vous présentons dans le tableau ci-dessous une liste non exhaustive des facteurs pouvant influer sur la douleur.
Facteurs pouvant favoriser l’apparition de douleurs
Pourquoi et comment prendre en charge directement la gêne ?
Il est absolument essentiel d’écouter ses ressentis et de modifier son entrainement dès lors que l’on ressent une gêne. Effectivement, quand les premières douleurs apparaissent, ce sont les premiers signaux d’alerte avant une potentielle blessure. Si vous ne changez rien ou si vous augmentez encore les contraintes, vous risquez d’aller vers une blessure. Il faut alors adapter son entrainement, sans pour autant s’arrêter complètement !
Dans une situation idéale et pour éviter d’être gêné toute la saison, il faut réaliser un bilan avec un professionnel de santé et adapter son entrainement. Il est impératif que le bilan prenne en compte tous les facteurs précédemment évoqués. Ainsi l’adaptation de l’entrainement proposée permet de préserver au mieux l’état des structures douloureuses et de mettre en place une stratégie de réhabilitation individualisée et spécifique.
Démarches à suivre en fonction de la douleur
Exemple : le tendon d’Achille de Marc
Habituellement, Marc court 30km hebdomadaires. Cela fait 5 semaines qu’il est passé à 50km dans le cadre de sa préparation du marathon de Paris. Depuis 3 semaines, Marc ressent une douleur au niveau de son tendon d’Achille droit. Cette douleur est caractérisée par des sensations de raideur et de brûlure. Lors de ses séances fractionnées en course à pied, la douleur est à 1/10 pendant l’entrainement et à 2/10 après la séance. La nuit, il lui arrive de ressentir la douleur à 3/10. Le lendemain matin, les premiers pas sont compliqués avec une douleur à 3/10. Marc décide alors d’aller consulter un professionnel de santé spécialisé, qui lui effectue un bilan clinique, ainsi qu’une analyse de son entrainement.
Il semblerait que le principal facteur déclenchant soit celui d’une mauvaise gestion de la charge d’entraînement. Effectivement, il a augmenté trop rapidement son volume hebdomadaire (il n’a pas respecté une augmentation progressive de 10% d’une semaine sur l’autre). De plus, il s’avère que Marc est surchargé par sa vie professionnelle. Il n’arrive pas à dormir suffisamment par rapport à ses habitudes et à ses besoins physiologiques.
Le professionnel de santé lui propose donc d’adapter son entrainement. Pour commencer, en fonction de la modulation de sa douleur, Marc devra :
- Diminuer de moitié son volume hebdomadaire en course à pied et arrêter le fractionné à haute vélocité
- Ajouter deux séances de vélo par semaine : un fractionné et une sortie longue
- Un programme de renforcement progressif de son tendon d’Achille et de l’ensemble de ses membres inférieurs, ainsi que du gainage (= exercices de core)
- Augmenter son temps de sommeil
Dans un second temps et en fonction de la modification de ses symptômes, Marc sera guidé pour augmenter progressivement son volume de course à pied et à intensifier le renforcement. Étant le plus sollicitant pour les tendons, le fractionné à haute vélocité (par exemple séries de 30s/30s) sera introduit à la fin de la réhabilitation.
Dans cet exemple d’adaptation, le volume d’entrainement global de Marc varie peu. Adapter l’entrainement n’est pas synonyme de moins s’entrainer. Il s’agit plutôt de réduire les activités contraignantes pour la structure cible. En parallèle, il faut mettre une stratégie de réhabilitation de la structure pour lui permettre une cicatrisation optimale. Ainsi, le niveau de forme globale de l’athlète est peu altéré.
Conclusion
Lorsqu’elles sont encore au stade de la gêne, il est fondamental de prendre en compte vos douleurs. Plus la prise en charge est précoce, plus les risques de blessures et de douleurs chroniques réduisent.
En cas de douleur, il ne faut pas stopper l’entrainement, mais il faut s’adapter tout en gardant une continuité ! Il faudra augmenter les contraintes progressivement en fonction des symptômes.
Grands principes de l’entrainement en fonction de la douleur
Malgré le peu de littérature scientifique sur la prévention dans le triathlon, nous vous proposons une liste non-exhaustive de lignes directrices qu’il semblerait intéressant de suivre :
- Faire un bilan de pré-saison et éventuellement à mi-saison
- Faire du renforcement régulièrement et progressivement
- Avoir une technique de qualité sur les trois disciplines
- Évaluer régulièrement les facteurs psycho-sociaux
- Adapter et gérer la charge d’entrainement
- Avoir une « bonne hygiène de vie »
- Faire des échauffements de qualité
- Ne pas négliger la récupération
- Écouter ses ressentis
Si vous souhaitez faire de la prévention ou en cas de douleur : consultez un professionnel !
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Bibliographie :
1. Minghelli B, Jesus C, Martins I, Jesus J. Triathlon-related musculoskeletal injuries: a study on a Portuguese Triathlon Championship. Rev Assoc Med Bras (1992). 2020 Nov;66(11):1536-1541. doi: 10.1590/1806-9282.66.11.1536. PMID: 33295406.
2. Cushman DM, Dowling N, Ehn M, Kotler DH. Triathlon Considerations. Phys Med Rehabil Clin N Am. 2022 Feb;33(1):81-90. doi: 10.1016/j.pmr.2021.08.006. Epub 2021 Oct 20. PMID: 34799004.
3. Delvaux F, Croisier JL, Sanfilippo D, Gofflot A, Tooth C, Kaux JF, Forthomme B. Prévention des blessures et triathlon. Journal de traumatologie du sport (en ligne). Sep 2019; 36(3) : 147-52. Disponible : https://doi.org/10.1016/j.jts.2019.07.007