Tout savoir sur le moniteur d'oxygène musculaire Moxy

Entraînement
24/5/2022

Introduction

La performance est selon nous la rencontre entre une opportunité (que certains appellent la chance) et une préparation, une stratégie. L'entraînement sportif, et plus particulièrement celui d’endurance, demande cette stratégie de gestion de la charge interne et externe souvent difficile d’accès face à la réalité de l’humain. Un exercice stratégique qui est délicat car il se construit et se développe dans un environnement souvent impossible à ramener avec certitude au prévisible. Notamment car cet entraînement de performance comprend nombres d’interactions et de phénomènes aléatoires remarquablement décrits par Edgar Morin lors de son approche de la complexité.

Malgré notre situation de cécité face à des mouvements interne biologique, il y a la certitude de ce processus continu et permanent d'adaptation. Cette certitude pousse chaque entraîneur, véritable maître d'œuvre stratégique, à vouloir limiter cette cécité, à vouloir comprendre et visualiser les adaptations chimiques que lui-même provoque.

Dans le défi de la compréhension instantanée de la physiologie, les réalités de la science semblent être un atout de taille. Comprendre, presque voir notre consommation personnelle d’oxygène, d'énergie, voir nos limitants, n’est ce pas le rêve de tout entraineur ?

#1 Qu'est ce que la NIRS ?

La Near Infrared SpectroScopy est une technique non invasive, peu encombrante, portable et relativement abordable. En mesurant l'oxygénation musculaire, elle permet de déterminer le facteurs limitants du système oxydatif d'un athlète et de guider précisément l'entraînement grâce à des valeurs de charge interne.

Lorsque l'on souhaite optimiser le système oxydatif de son athlète une question se pose. Dois-je optimiser la livraison ou l'utilisation de l'O2. En effet, plusieurs facteurs entrent en jeu et font appel à différents systèmes, 3 principalement :

-        Le système respiratoire permettant d'extraire l'O2 de l'air ambiant des alvéoles pulmonaires vers le sang,

-        le système cardio-vasculaire qui permet l'acheminement de l'O2 vers les tissus demandeurs, et enfin

-        le système musculaire qui est le demandeur et l'utilisateur principal de l'O2.

Pour rappel la livraison de l'O2 est principalement assurée par la somme de 3 composantes :

-        Le débit cardiaque (Qc) qui s'obtient par le produit du volume d'éjection systolique (VES) et de la fréquence cardiaque (FC).

-        La saturation artérielle (SpO2) de l'hémoglobine en O2 qui est invariable (98-99%).

-        La masse en hémoglobine (Hbmass), le transporteur de l' O2 et la principale raison des stages en altitude.

L'utilisation de l'O2, elle, est dépendante de la densité mitochondriale et de la capacité oxydative de ces mitochondries dans le muscle.

#2 Présentation d’un système : Moxy Monitor

Plusieurs appareils utilisant la NIRS existent et parmi eux le Moxy monitor. Sa source lumineuse émet dans le proche infra-rouge (entre 630 et 850nm) et traverse les tissus biologiques puis est ensuite détecter à deux endroits distincts situés à 12,5 et 25mm de l'émetteur. Grâce à la loi de Beer-Lambert selon laquelle un faisceau lumineux est modifié pour des longueurs d'onde spécifiques en fonction du tissu qu'il rencontre, le Moxy est capable de mesurer des concentration d'oxyhémoglobine et de désoxyhémoglobine.  Le fréquence d'échantillonnage du Moxy est de 2 Hz et 4 longueurs d'ondes sont utilisées.

L'outil, qui tient dans le paume d'une main, se place directement sur la peau proche des grosses masses musculaires. Il calcule la saturation locale du muscle (SmO2) en hémoglobine et myoglobine qui reflète l'équilibre entre l'offre et la demande en O2 des tissus. Le SmO2 est obtenu en mesurant la concentration en désoxyhémoglobine [HHb] et en oxyhémoglobine [HbO2] et s'exprime de façon relative selon la formule suivante : SmO2 = (HbO2 / tHb) x 100.

La somme de [HHb] et [HbO2]  permet d'obtenir la concentration totale d'hémoglobine [tHb] qui est un indicateur du débit sanguin local.

#3 Interprétation et lecture de données issue d’un système NIRS

Interprétations de base du SmO2

↗ SmO2 : la livraison en O2 est supérieure à l'utilisation locale du muscle observé en O2

↘ SmO2 : la livraison en O2 est inférieure à l'utilisation locale du muscle en O2

↔ SmO2 : l'athlète est sur un point d'équilibre entre sa livraison et son utilisation de l'O2 au niveau local.

Observation : le niveau de saturation minimale est discriminant du niveau d'entraînement d'un athlète. En d'autres termes, plus un athlète est entraîné plus il sera capable d'atteindre des valeurs de SmO2 proche de 0% à des intensités maximales.

Interprétations de base du tHb

↗ tHb : il peut s'agir d'une vasodilatation artérielle au niveau local, reflet d'une vasomotricité plus générale au niveau systémique. Le flux sanguin est prioritairement dirigé vers les masses musculaires engagées tandis que les masses musculaires non mises en jeu voient leur flux sanguin réduit par vasoconstriction. L'augmentation du tHb peut aussi être la conséquence d'une occlusion veineuse due à la contraction musculaire. Dans ce cas, le sang chargé en O2afflue par les artérioles mais le retour veineux est coupé. Le sang s'accumule dans le muscle et le tHb augmente.

↘ tHb : en tout début d'exercice se crée un déséquilibre très éphémère entre le retour veineux et l'acheminement du sang neuf vers le muscle en question, ce qui engendre une diminution du tHb. En effet, le retour veineux est principalement assuré par la chasse musculaire en début d'exercice qui est un facteur purement mécanique et donc instantané. Tandis que l'augmentation du débit cardiaque et la vasomotricité sont en majeur partie contrôlés par un facteur nerveux qui comprend un léger temps de latence, ce qui explique cette diminution initiale du tHb à l'effort. Après quelques secondes le retour veineux et le Qc s'équilibrent et le tHb est compensé puis surcompensé par la vasodilatation artérielle.

↔ tHb : Un niveau de tHb stable conjugué à un niveau de SmO2 stable est un "steady state" de l'athlète. C'est un point d'équilibre où le but recherché sera de maximiser la charge externe produite par l'athlète. Un deuxième cas de figure existe pour la stabilisation du tHb, dans le cas où l'athlète utilise des niveaux de force continu et proche de la contraction maximale volontaire, on peut observer un plateau soudain du tHb et une forte chute du SmO2. Ce phénomène est la conséquence d'une occlusion veineuse conjuguée à une occlusion artérielle. Le sang est confiné dans le muscle, il ne se renouvelle plus mais le muscle lui continue d'utiliser l'O2 qu'il a à disposition.

#4 Protocole type d’utilisation d’un sytème NIRS

Le protocole de profilage le plus utilisé avec le Moxy est le test incrémental 5-1-5. Comprenez 5 minutes de travail, 1 minute de récupération passive et 5 minutes de travail à la même intensité. Le bloc est répété jusqu'à l'échec en augmentant l'intensité pour chaque répétition. L'objectif étant de compléter entre 4 et 6 paliers pour permettre l'établissement de zones de travails. Le Moxy étant portable, et peu encombrant, il permet de réaliser des tests très spécifiques en fonction de la discipline. De plus le Moxy stock ses propres données, il est donc possible de l'emmener sur le terrain et de partir rouler, courir, ramer voire nager avec. Il est même possible de le coupler aux compteurs et montres pour avoir un retour en direct de son SmO2 et/ou de son tHb.

Une fois les facteurs limitants observés la NIRS permet de conduire l'entraînement très finement grâce à la quantification des réponses et à leur gestion en temps réel. L'introduction d'un outil comme le Moxy monitor dans l'entraînement crée de nouvelles variables et il est tout à fait possible de programmer un entraînement en fonction d'un taux de désaturation souhaité par exemple.

Limites :

La NIRS a tout de même quelques limites. La technique semble être sensible au tissu adipeux qui peut faire varier la mesure. Le Moxy monitor peut être utilisé pour rechercher des déséquilibres mais attention car la mesure est très localisée et ne reflète pas le fonctionnement de tout un groupe musculaire. Il est alors plus raisonnable d'observer les tendances plutôt que les valeurs en elles-mêmes. Dans le cas d'un suivi longitudinal il faudra donc faire très attention au placement du moxy pour la reproductibilité des mesures. Enfin, la NIRS étant une source lumineuse veillez à ce que la zone observée soit bien hermétique à tout autre lumière au moment de la mesure.

Bibliographie :

Barstow T. J. (2019). Understanding near infrared spectroscopy and its application to skeletal muscle research. Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985), 126(5), 1360–1376. https://doi.org/10.1152/japplphysiol.00166.2018

Crum, E. M., O'Connor, W. J., Van Loo, L., Valckx, M., & Stannard, S. R. (2017). Validity and reliability of the Moxy oxygen monitor during incremental cycling exercise. European journal of sport science, 17(8), 1037–1043. https://doi.org/10.1080/17461391.2017.1330899

Feldmann, A., Schmitz, R., & Erlacher, D. (2019). Near-infrared spectroscopy-derived muscle oxygen saturation on a 0% to 100% scale: reliability and validity of the Moxy Monitor. Journal of biomedical optics, 24(11), 1–11. https://doi.org/10.1117/1.JBO.24.11.115001

Jones, S., Chiesa, S. T., Chaturvedi, N., & Hughes, A. D. (2016). Recent developments in near-infrared spectroscopy (NIRS) for the assessment of local skeletal muscle microvascular function and capacity to utilise oxygen. Artery research, 16, 25–33. https://doi.org/10.1016/j.artres.2016.09.001

Mansouri C, Kashou NH. New window on optical brain imaging; medical development, simulations and applications. Selected topics on optical fiber technology; 2012.

Relative VS absolute muscle oxygenation measurement : what's the difference ?

Illustrations :

Arthur Remond

Sports Sciences student at INSEP and Intern at EMPOW'HER

https://www.linkedin.com/in/arthur-rémond-4a1b051a2/

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