Bien comprendre le VO2Max : facteurs limitants et applications pour l’entrainement
Tous les sportifs ont déjà entendu parler du VO2Max.,Mais savez vous vraiment ce qui détermine le VO2Max ?
On vous explique tout en détail dans cet article ! 💪👇
Les 3 systèmes qui composent le VO2Max
Le VO2Max fait référence au taux maximal de consommation d'oxygène mesuré pendant un exercice intense, mesuré en ml d’O2 par minute (ml/min) ou plus généralement, en ml d'O2 par kg par minute (ml/min/kg). Normaliser le VO2 relativement au poids de corps permet de comparer différents athlètes, comme un rapport poids/puissance. Le VO2Max peut aussi être exprimé relativement à la masse musculaire ou, spécifiquement pour le cyclisme et le triathlon, par rapport au coefficient aérodynamique (CdA).
Hill, Long et Lupton (1923) sont à l’origine du concept selon lequel il existe un taux fini de transport d'oxygène de l'environnement vers les mitochondries des muscles durant l’exercice, c’est ainsi qu’est né le VO2Max. Par la suite, cette mesure est devenue l'une des mesures les plus connue dans les sciences du sport.
Le VO2Max est calculée par l'équation de Fick, qui indique que VO2Max = Qc[Ca-CvO2]* où Qc représente le débit cardiaque (exprimé en tant que fréquence cardiaque multipliée par le volume d’éjection systolique) et où Ca-CvO2 représente la différence artério-veineuse en oxygène (Hill AV et al. (1924).
Fréquence cardiaque = À quel rythme le cœur bat
Volume d’éjection systolique = Quelle quantité de sang est éjectée du cœur en un seul battement
Différence artério-veineuse = Quelle quantité d’oxygène présente dans le sang et utilisée par les organes
De cette équation, nous pouvons déduire qu'il existe deux manières principales d’augmenter le VO2Max, soit par le transport de l’oxygène (Qc, le débit cardiaque) soit par la diffusion de l'oxygène (CaO2, à quel point le sang est chargé en oxygène) et la capacité oxydative des muscles (CvO2, à quel point l'oxygène à été utilisé par les muscles).
L’oxygène, ou plutôt le dioxygène (O2), est un gaz qui sert de comburant pour que la filière oxydative fonctionne. En d’autres termes, il permet aux glucides, lipides ou encore lactates d’être dégradé pour produire de l’énergie utilisable par les muscles.
Dans le corps humain, le circuit de l'oxygène et du dioxyde de carbone se divise en 3 étapes majeures représentées par 3 systèmes distincts (Figure 1.) :
- La diffusion de l'oxygène, représenté par le système respiratoire.
- Le transport de l’oxygène, représenté par le système cardiovasculaire.
- L'utilisation de l'oxygène, représenté par le système musculaire.
Toutes ces étapes (diffusion, transport et utilisation) peuvent potentiellement limiter le VO2Max. Dans cet article, nous expliquerons comment.
La diffusion de l'oxygène
La diffusion est le phénomène qui rend possible les échanges gazeux. C'est un processus passif, qui ne nécessite donc pas d'énergie pour se produire.
La diffusion de l'oxygène se fait tout simplement sous l'action de différences de concentrations entre le sang et l'air en tendant à égaliser ces grandeurs. Quand l'oxygène a une concentration plus élevée à l'intérieur des poumons que dans l'organisme, il pénètre dans le sang. Si le cas inverse se présentait, il passerait du sang à l'air pulmonaire. Il y a toujours déplacement d’un milieu à forte pression vers un milieu à plus faible pression, et ce, jusqu’à équilibre des pressions.
Le système respiratoire
Le système respiratoire est l'étape primaire de la diffusion de l'oxygène et des échanges gazeux.
Il a deux fonctions principales : absorber l’oxygène de l’environnement et extraire le CO2 de l’organisme. Ce travail à un coût, il peut donc être limitant pour la consommation maximale d’oxygène des muscles locomoteurs. En effet, la quantité d’oxygène utilisée pour faire fonctionner les muscles respiratoires lors d’un effort maximal correspond à environ 15 % de la VO2Max (Aliverti A et al., 2005 ; Aaron, E A et al., 1992). Une fatigue des muscles respiratoire engendrera une augmentation des besoins en oxygène. On peut donc parler de compétition entre l’apport d’oxygène des muscles locomoteurs et des muscles respiratoires (Harms CA., 2000).
Ainsi, le système respiratoire pourra limiter l’apport d’oxygène aux muscles locomoteurs. Avec moins d’oxygène apporté aux muscles impliqué dans la production de puissance, l’intensité devra être réduite. De plus, la perception de difficulté de l’effort augmentera à cause de l’augmentation de la fatigue périphérique causé par la limitation de l’apport en oxygène (Harms, C A et al., 2000 ; Dempsey, Jerome A et al., 2006).
Plus la coordination, l'endurance et la force des muscles respiratoires seront élevées, plus le système respiratoire sera économique. C'est ce que nous recherchons.
La diffusion pulmonaire
Les échanges gazeux pulmonaires se produisent entre les millions d’alvéoles pulmonaires et les capillaires qui les enveloppent (figure 2). Les capillaires sont des vaisseaux sanguins, au même titre que les veines et les artères. Ils sont les plus petits vaisseaux sanguins de l'organisme (similaire au diamètre d'un cheveu, d'où leur nom).
Chez les athlètes d'élite avec des débits cardiaques maximaux très élevés, la diminution du temps de transit des globules rouges dans les capillaires pulmonaires peut conduire à une limitation de la diffusion pulmonaire (Hopkins, S R et al., 1996 ; Blomqvist, G et al., 1969 ; Torre-Bueno, J R et al., 1985). En d’autres termes, le débit très fort implique que le sang circule très vite (comme un tuyau d’eau avec le robinet ouvert au maximum), ainsi, il y a moins de temps pour que l’oxygène traverse les parois.
Chez les sportifs d’endurance on parle d’hypoxémie induite par l’exercice (HIE) à partir d’une baisse de SpO2 supérieur à 4% (Prévaut et al., 2000).
La SpO2 est la saturation de l’hémoglobine en oxygène. L’hémoglobine est la molécule qui fixe l’oxygène, le transporte dans le sang, et le délivre aux cellules du corps. Exprimé en %, la SpO2 permet de contrôler l'apport en oxygène, c’est-à-dire la quantité d'oxygène dans le sang artériel.
En d’autres terme, l’hémoglobine est le train qui transporte l’oxygène, la saturation (SpO2) est le taux de remplissage du train. Plus le pourcentage est faible moins le train est rempli et inversement.
Dempsey et al. ont démontré que certains athlètes d'endurance hautement entraînés pouvaient atteindre exceptionnellement des valeurs de SpO2 inférieur à 85%, cela démontre une limitation du système ventilatoire à saturer complètement le sang en oxygène (Dempsey et al., 1984, 1985).
Powers et al. (1985) ont montré que lorsque des athlètes de haut niveau, présentant une SpO2 inférieure ou égale à 92% lors d'un test VO2max au niveau de la mer, respirent des mélanges gazeux hyperdoxiques (avec plus d’O2), leur saturation en hémoglobine et leur VO2Max augmentent. Cette étude permet de valider l'hypothèse d'une diffusion de l'oxygène pouvant limiter le VO2max chez des athlètes de haut niveau.
Pour revenir à l'équation de Fick, chaque changement de VO2Max correspond à un changement du débit cardiaque maximal ou de la différence artérioveineuse. Ainsi, si une mauvaise diffusion pulmonaire limite le VO2Max, c’est par une diminution de la différence artérioveineuse à cause d’une saturation artérielle plus faible. Moins d'oxygène pourra être utilisé.
À l’inverse, quand on élargit la différence artérioveineuse, le VO2Max augmente (Powers et al., 1985). En définitive, l'équation de Fick permet de comprendre que le système respiratoire peut aussi limiter les autres systèmes. D'où la “cascade de l’oxygène” qui représente la chute progressive de la pression partielle de l’oxygène de l’air atmosphérique vers le système musculaire, en passant par le système respiratoire et cardiovasculaire (figure 3).
Le système respiratoire apparaît comme le premier maillon de la chaîne du VO2, et comme la solidité d’une chaîne n’excède pas celle de son maillon le plus faible, le système respiratoire pourra aussi potentiellement limiter le transport et l'utilisation de l'oxygène.
Le transport de l’oxygène
Le transport de l’oxygène est principalement influencé par le débit cardiaque, lui-même majoritairement déterminé par le volume d’éjection systolique (VES, quantité de sang éjecté par le ventricule gauche en un seul battement). L’augmentation du VES se fait par l'élargissement des cavités cardiaques, l'amélioration de la contractilité du cœur et l'augmentation du volume sanguin. Ces adaptations sont toutes des adaptations cardiovasculaires à l'entraînement physique. Elles permettent toutes un plus grand remplissage des ventricules, c’est pourquoi le VES augmente (Hellsten, Y., & Nyberg, M., 2015).
D'autres facteurs augmenteront également le volume d’éjection systolique, comme la pompe thoracique, ainsi que les modifications de la concentration sanguine en hémoglobine (molécule qui fixe l’oxygène, le transporte dans le sang, et le délivre aux cellules du corps).
Per-Olof Åstrand (1952) a montré qu’il y a une relation étroite entre la masse totale d’hémoglobine (Hb) et le VO2Max. Les différences entre les adultes et les enfants et entre les hommes et les femmes seraient principalement dues aux différences d'hémoglobine totales. En effet, il a été démontré qu'une réduction aiguë de la concentration d'Hb, même lorsque le volume sanguin est maintenu, entraîne une diminution des performances d'endurance en raison d'une diminution de la capacité de transport de l’oxygène dans le sang (Calbet, José A L et al., 2006). Inversement, une augmentation de la concentration d'Hb est associée à de meilleures capacités d'endurance et elle est également proportionnelle à l'augmentation de la capacité de transport d'oxygène par le sang (Calbet, José A L et al., 2006).
En bref, l’augmentation des capacités de transport de l’oxygène, via le débit cardiaque et une augmentation du volume d’éjection systolique, est clairement associée à une augmentation du VO2Max.
Selon Joyner, M. J., & Lundby, C. (2018), la masse totale d’Hb et le débit cardiaque maximale seraient les principaux déterminants du VO2max (figure 3).
L'utilisation de l'oxygène
La diffusion périphérique
La dernière étape de la diffusion de l'oxygène est la diffusion du sang jusqu'aux cellules musculaires.
Cette étape dépendra principalement de la densité des capillaires dans les fibres musculaires, c'est à dire le lieu des échanges d'oxygène entre le sang et les fibres musculaires.
Avec l’entraînement, la densité des capillaires augmente, créant ainsi une plus grande surface de diffusion de l'oxygène et un ralentissement du flux sanguin à travers les vaisseaux, la diffusion de l'oxygène a donc plus de temps pour se produire.
Une bonne densité capillaire dans les fibres musculaires est essentielle pour apporter de l'oxygène aux mitochondries (Skattebo, Øyvind et al., 2020). Raison pour laquelle ce facteur est directement corrélé à la performance (Coyle, E F et al., 1985).
La mitochondrie est une organelle contenue dans le cytoplasme de la cellule (partie de la cellule qui entoure le noyau). Les mitochondries sont les « centrales énergétiques » ou « les usines » du corps humain. En effet, le métabolisme oxydatif, qui nécessite de l’O2 pour son fonctionnement, a lieu au sein de la mitochondrie. Leur rôle majeur est donc la production d’adénosine triphosphate (ATP), l’énergie qui permet la contraction musculaire. Ainsi, dans le cadre de d’activités physiques, les mitochondries permettent de fournir une énergie utilisable par nos muscles pour se contracter, c’est pourquoi celles-ci sont présentes directement dans nos muscles. Par exemple dans le muscle vaste latéral d’un homme actif, les mitochondries représentent entre 3 et 6% du volume des fibres musculaires (Hoppeler et al., 1973).
La capacité oxydative des muscles
La capacité oxydative des muscles correspond principalement au nombre de mitochondries et au nombre d’enzymes mitochondriales.
De plus en plus d’études s’intéressent aux capacités oxydatives musculaires et notamment les mitochondries. Selon Stephan van der Zwaard, les capacités oxydatives musculaires sont déterminantes dans la VO2max et la performance sportive en général (van der Zwaard, Stephan et al., 2016 ; van der Zwaard, Stephan et al., 2021).
Une étude récente a examinée la relation entre l'affinité mitochondriale à l'O2 et l'extraction de l'O2 musculaire (Cardinale, D A et al., 2019). Ils ont montré que la fonction oxydative mitochondriale influence l'extraction d'O2, faisant de la fonction mitochondriale une partie essentielle de la définition du VO2Max.
En effet, une augmentation de l'extraction d'O2 par les muscles augmente la différence artérioveineuse, et donc le VO2Max.
Si l'extraction de l’oxygène augmente, alors plus d’O2 peut être utilisé par les mitochondries, et finalement, plus d’ATP peut être produit par la filière oxydative. La transformation de l’énergie sera plus efficace.
Skattebo, Øyvind et al. (2020) ont démontré que le VO2Max pouvait être augmenté à la fois par une amélioration du débit cardiaque maximale ainsi que par un élargissement de la différence artérioveineuse, qui ont été attribués respectivement au remodelage cardiaque (augmentation de la taille du ventricule gauche) et à la biogenèse mitochondriale mais aussi la densité capillaire.
On donne traditionnellement le VO2Max relativement au poids du corps, mais on peut aller encore plus loin avec le VO2Max par rapport à la masse musculaire. En effet, si on gagne en masse musculaire et qu’on garde le même VO2Max ça veut dire que nos muscles ont perdu en capacité à utiliser l’oxygène et on cherche plutôt l’inverse, c’est à dire optimiser l’utilisation de l’oxygène par notre masse musculaire. L’indicateur VO2mMx relativement à la masse musculaire permet d’avoir une idée de la capacité oxydative musculaire (d’où l’intérêt d’effectuer des mesures de composition corporelles en parallèles des tests de performance physio).
Une bonne capacité oxydative musculaire peut également s’observer grâce à une technologie qui se démocratise, la NIRS (near-infrared spectroscopy). Cette technologie permet de mesurer la balance entre l'apport d'oxygène et la consommation de l'oxygène directement au sein des muscles.
Conclusion
Pour conclure, on ne peut donc pas voir le VO2Max comme étant limité seulement par la capacité du système cardiovasculaire à transporter l'oxygène vers les muscles en activité. Il existe de plus en plus de preuves que le VO2Max peut être limité par plusieurs variables physiologiques différentes (Bassett DR Jr et al, 2000 ; Prampero PE, 2003 ; Skattebo Ø et al, 2020) notamment la capacité de diffusion pulmonaire de l'oxygène, le débit cardiaque maximal, la circulation périphérique et la capacité métabolique du muscle squelettique (capitalisation, proportion de fibres lentes oxydatives de type I, densité mitochondriale, etc.).
En conséquence, le VO2Max peut être conceptualisé comme la capacité intégrée maximale des systèmes respiratoire, cardiovasculaire et musculaire à absorber, transporter et utiliser l'oxygène, respectivement (Poole, David C et al., 2018).
On peut retenir que le VO2Max est déterminé par 3 systèmes (figure 4) :
- Le système cardiovasculaire qui fournit du sang oxygéné aux muscles qui travaillent. C’est ce que nous avons présenté comme le transport de l’oxygène.
- Le système respiratoire qui permet à suffisamment d'oxygène d'entrer dans le corps et de se diffuser dans le sang, et qui va permettre au CO2 de quitter le corps. C’est ce que nous avons présenté comme la diffusion de l’oxygène.
- Le système musculaire avec des muscles riches en capillaires et en mitochondries, afin d'utiliser l'oxygène délivré par le système cardiovasculaire efficacement et rapidement. C’est ce que nous avons présenté comme l'utilisation de l'oxygène.