Mesurer le HRV avec le doigt via l'app Nolio
Depuis le début de l’année 2024, de nombreux utilisateurs ont sollicité Nolio pour intégrer une fonctionnalité permettant de mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV) directement avec le doigt, via l’appareil photo du smartphone.
Cette technologie repose sur la **photopléthysmographie (PPG)**, un procédé optique déjà utilisé par les montres connectées, les bagues comme Oura ou encore les bracelets tels que Whoop pour mesurer la fréquence cardiaque.
Comment fonctionne la mesure par photopléthysmographie (PPG) ?
À chaque contraction, le cœur génère une impulsion qui fait circuler le sang depuis les grandes artères jusqu’aux capillaires les plus fins. Ce phénomène peut être perçu en posant délicatement un doigt sur l’artère du cou ou sur la face interne du poignet pour sentir son pouls.
La photopléthysmographie (PPG) permet de suivre ces variations de manière optique. Cette technologie repose sur l’absorption de certaines longueurs d’onde lumineuses lorsqu’elles interagissent avec le flux sanguin. En analysant ces variations, il devient possible de mesurer la fréquence cardiaque et sa variabilité avec précision.
Source : https://blog.ruffaut-cycling-system.com/variabilite-cardiaque-hrv/
Cette technologie PPG permet non seulement de mesurer la fréquence cardiaque, mais aussi d’évaluer la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV).
I. Méthodologie
Depuis 2020, nous collaborons avec Damien Saboul, chercheur spécialisé en HRV, afin d’approfondir notre compréhension de cette mesure. Pour évaluer la fiabilité des données obtenues avec un capteur optique au doigt par rapport à celles d’une ceinture cardiaque, nous avons lancé en septembre 2024 une cohorte de test ouverte aux utilisateurs de Nolio. Pendant deux mois, les participants ont été invités à réaliser un protocole simple :
- Chaque matin, au réveil, une mesure simultanée de l’HRV avec le doigt sur l’appareil photo du smartphone (flash activé) et une ceinture cardiaque durant une minute.
La suite de cet article propose une vulgarisation de l’analyse réalisée par Damien Saboul sur les résultats de notre cohorte, afin d’en tirer des conclusions claires et accessibles.
L’objectif était d’analyser la cohérence entre ces deux méthodes, d’en évaluer la précision et de déterminer si la mesure au doigt pouvait être intégrée à Nolio. Dans le cadre de notre cohorte, 1 052 utilisateurs ont participé à l’étude, réalisant en moyenne 10,76 doubles enregistrements chacun.
Pour évaluer la fiabilité de la mesure au doigt, nous avons défini un « double enregistrement » comme deux mesures effectuées par un même utilisateur, au même moment, mais avec deux méthodes différentes :
- Une mesure avec une ceinture cardiaque,
- Une mesure avec la caméra du smartphone et le flash activé.
Ce protocole nous a permis de comparer directement les deux dispositifs sur les mêmes battements cardiaques, garantissant ainsi une analyse fiable des écarts entre les méthodes.


Pour évaluer la cohérence des données, nous avons utilisé le RMSSD (Root Mean Square of Successive Differences), un indicateur couramment utilisé pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV).
Le RMSSD a été calculé à partir des intervalles RR enregistrés par chaque méthode, c’est-à-dire :
- Les données issues de la ceinture cardiaque,
- Celles obtenues via la mesure au doigt avec la caméra du smartphone.
Cette approche nous a permis de comparer la précision des deux dispositifs et d’évaluer la pertinence de la mesure optique pour l’HRV.
II. Premières expérimentations
À partir de l’ensemble des paires de double enregistrement issues de notre base de données brute, nous avons suivi plusieurs étapes d’analyse :
- Calcul initial du RMSSD : Un premier calcul est effectué pour chaque méthode (ceinture et capteur au doigt) à partir des intervalles RR bruts.
- Filtrage des données : Une étape de nettoyage est appliquée pour éliminer les mesures jugées incohérentes ou bruitées.
- Nouveau calcul du RMSSD : Après filtrage, nous recalculons le RMSSD sur les intervalles RR épurés.
Ces différentes valeurs (RMSSD brut et filtré) sont ensuite intégrées dans une nouvelle base de données, servant de référence pour les analyses statistiques.
L’étude de la corrélation de Pearson sur ces données révèle des résultats contrastés :
- Pour certains utilisateurs, la mesure au doigt offre une bonne correspondance avec la ceinture cardiaque.
- Pour d’autres, les écarts sont plus marqués, indiquant une fiabilité moindre.
Pour illustrer ces différences, nous avons représenté ci-dessous l’évolution des valeurs quotidiennes de RMSSD mesurées par les deux méthodes.
- Le premier graphique montre un utilisateur chez qui la corrélation est élevée (les courbes bleue et orange évoluent de manière similaire).
- Le second graphique illustre un cas où la corrélation est faible, avec des divergences notables entre les deux mesures

L’analyse des graphiques met en évidence des différences notables entre les deux types d’utilisateurs :
- Pour l’utilisateur #1 (corrélation valide), les deux courbes (ceinture et capteur au doigt) suivent une tendance similaire. Les variations du RMSSD sont cohérentes entre les deux méthodes, ce qui suggère que la mesure au doigt peut être une alternative fiable pour cet individu.
- À l’inverse, pour l’utilisateur #2 (corrélation non-valide), les deux courbes montrent des évolutions divergentes. Par exemple, sur certaines périodes, le RMSSD mesuré avec la ceinture augmente alors que celui mesuré au doigt diminue, traduisant un décalage entre les deux méthodes.
Il est important de noter que l’objectif de l’analyse ne repose pas sur une correspondance parfaite des valeurs absolues entre les deux méthodes, mais plutôt sur la cohérence des tendances. En effet, les écarts bruts sont attendus en raison des différences de précision entre une ceinture cardiaque et une mesure optique au doigt.
Pour approfondir notre analyse, nous avons cherché à déterminer si la marque du smartphone pouvait influencer la qualité des mesures et la corrélation entre la ceinture cardiaque et le capteur au doigt.
Pour cela, nous avons répertorié toutes les marques de téléphones utilisées par les participants ayant effectué au moins 28 jours de mesures. Afin d’obtenir des résultats statistiquement significatifs, nous avons restreint l’analyse aux trois marques les plus représentées dans l’échantillon, les autres étant trop peu nombreuses pour permettre des conclusions fiables.
Cette approche nous permet d’examiner si certaines marques offrent une meilleure précision dans la mesure du RMSSD via l’appareil photo, et donc si des différences matérielles peuvent expliquer les écarts observés.

L’analyse des données n’a révélé aucune différence significative entre les marques de smartphones.
Quel que soit le modèle utilisé, nous avons observé des résultats contrastés :
- Certains utilisateurs obtiennent des mesures bien corrélées entre la ceinture cardiaque et le capteur au doigt.
- D’autres affichent des écarts plus importants, indépendamment de la marque du téléphone.
En moyenne, seul 1 utilisateur sur 3 présente une corrélation satisfaisante entre les deux méthodes de mesure. Cette tendance se retrouve systématiquement, quel que soit le type d’appareil utilisé, suggérant que la qualité de la mesure au doigt dépend davantage de facteurs individuels (physiologie, conditions de mesure) que du matériel lui-même.
III. Analyse approfondie des résultats
Optimisation de l’algorithme : affiner l’extraction des intervalles RR
Face à des résultats initiaux peu convaincants, nous avons cherché à améliorer l’algorithme de transformation du signal optique en une liste d’intervalles RR précis.
Impact de l’interpolation et de la fonction spline
L’un des premiers défis vient de la différence de fréquence d’échantillonnage entre les dispositifs :
- La caméra du smartphone capture les données à 30 Hz,
- La ceinture thoracique fonctionne à 250 Hz.
Pour compenser cet écart, l’algorithme en place interpolait le signal brut à l’aide d’une fonction cubic spline, reconstruisant ainsi un signal à 180 Hz. Nous avons comparé ces données interpolées avec les mesures réelles issues de la ceinture. Après analyse, nous avons conclu que cette étape n’était pas la cause des divergences observées et qu’optimiser davantage cette interpolation n’apporterait pas d’amélioration significative.
Optimisation de la détection des pics RR
Une fois le signal de la caméra interpolé, l’étape suivante consiste à détecter les pics cardiaques, puis à calculer les intervalles RR.
Pour améliorer la précision, nous avons testé une nouvelle méthode de détection basée sur l’analyse de la dérivée première du signal. En identifiant les variations brutales de pente, il devient possible de repérer plus précisément les sommets de la courbe, correspondant aux pics cardiaques.
Afin de limiter les interférences dues au bruit de fond, nous avons ajouté une étape de lissage du signal avant de calculer la dérivée. Ce lissage repose sur une fenêtre glissante, où chaque point de la courbe est moyenné avec les deux précédents et les deux suivants.
Le graphique ci-dessous illustre cet ajustement :
- Courbe bleue : signal brut capté par la caméra,
- Courbe orange : signal après lissage, offrant une lecture plus stable et exploitable.

L’application de la fonction de débruitage s’est révélée efficace pour atténuer les fluctuations mineures présentes sur le signal brut. Cependant, après analyse des résultats, cette méthode n’a pas permis d’améliorer significativement la fiabilité des mesures.
Pour mieux comprendre l’origine des écarts, nous avons effectué une analyse visuelle approfondie d’un grand nombre de paires d’enregistrements ceinture – doigt.
Cette inspection consistait à superposer les courbes d’intervalles RR des deux méthodes et à les classifier selon la répartition des erreurs.
L’analyse visuelle consiste à comparer les deux courbes d’intervalles RR côte à côte et à classer chaque paire dans l’une des quatre catégories définies en fonction de la distribution des erreurs. Une « erreur » est considérée comme étant une courbe d’intervalles RR manifestement trop bruitée et qu’il nous semble compliqué à « débruitée » même avec les différentes fonctions de filtrage de l’algorithme.





Damien a effectué un contrôle visuel sur 1 000 paires de courbes d’intervalles RR, en les classant dans l’une des quatre catégories définies. Les résultats de cette analyse sont présentés en pourcentage dans le tableau ci-dessous.

Analyse des enregistrements bruités et impact de la durée de mesure
L’un des constats majeurs de cette étude est que 39,3 % des enregistrements sont bruités aussi bien avec la ceinture que via la caméra du smartphone.
Ce résultat est essentiel car, jusqu’à présent, les écarts de corrélation étaient principalement attribués à la mesure optique au doigt. Or, cette analyse révèle que la ceinture thoracique elle-même génère une part importante d’enregistrements de mauvaise qualité, influençant ainsi les résultats globaux.
Si l’on additionne les deux catégories contenant du bruit côté ceinture (8,2 % + 39,3 %), on observe que près d’un enregistrement sur deux ne permet pas d’obtenir une mesure cardiaque fiable pour calculer un RMSSD représentatif de l’état de forme de l’individu.
De la même manière, en additionnant les catégories bruitées côté capteur au doigt (36,6 % + 39,3 %), on constate que seul un enregistrement sur quatre effectué via la caméra du smartphone est visuellement exploitable pour calculer un RMSSD pertinent.
L’impact de la durée de mesure sur la fiabilité des résultats
Un élément clé expliquant ce niveau élevé de bruit est la durée d’enregistrement trop courte.
- Dans la littérature scientifique, il est admis qu’une mesure fiable de la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV) doit être réalisée sur une durée d’au moins 5 minutes.
- Dans la pratique, notamment sur les applications comme Nolio, les temps de mesure sont souvent réduits (ici 1 minute) afin de limiter la contrainte pour l’utilisateur. Toutefois, cette réduction impacte inévitablement la qualité du signal et donc la fiabilité des résultats.
Pourquoi une durée plus longue améliore la qualité des mesures ?
Lorsque le signal est enregistré sur une durée plus longue, il est possible d’éliminer les 30 premières secondes, souvent affectées par un temps de « retour au calme » de l’utilisateur, générant du bruit.
- Les filtres appliqués au calcul du RMSSD permettent ensuite de supprimer quelques artefacts, tout en conservant un nombre d’intervalles RR suffisant pour assurer une mesure fiable.
À l’inverse, avec un signal limité à une seule minute :
- Si les 30 premières secondes sont inexploitables,
- Et que les artefacts présents dans les 30 secondes restantes sont supprimés par les filtres,
Alors il ne reste qu’une vingtaine d’intervalles RR, ce qui est insuffisant pour obtenir un RMSSD représentatif.
En comparaison, une mesure réalisée sur 5 minutes permet d’obtenir environ 300 intervalles RR. Même après suppression des 30 premières secondes et de quelques artefacts, il reste 250 intervalles RR exploitables, garantissant une meilleure robustesse des calculs.
L’expérimentation confirme donc que la durée de mesure est un facteur déterminant pour améliorer la fiabilité de l’HRV. Si la mesure au doigt est une option intéressante, elle reste fortement dépendante de la stabilité du signal et du temps d’enregistrement, nécessitant des ajustements méthodologiques pour être pleinement exploitable.
Calcul de corrélation sur les signaux non bruités
L’analyse précédente a mis en évidence que la principale source d’erreur provient des enregistrements trop bruités, impactant la fiabilité des résultats.
Or, l’objectif de cette étude est d’évaluer la relation entre les deux méthodes de mesure (ceinture thoracique vs capteur au doigt). Pour affiner notre analyse, nous avons décidé de refaire un calcul de corrélation, comme lors de l’analyse statistique globale, mais cette fois en nous basant uniquement sur les signaux ayant été contrôlés visuellement et jugés exploitables.
Cette approche permet d’exclure les enregistrements affectés par un bruit excessif et d’obtenir une évaluation plus précise de la fiabilité de la mesure au doigt lorsqu’elle est réalisée dans des conditions optimales.

Résultats de la corrélation sur les signaux non bruités
L’analyse des 200 points de mesure filtrés montre une distribution nettement plus linéaire que lors de l’étude précédente, où la répartition des points apparaissait désorganisée et aléatoire.
Cette amélioration se confirme également sur le plan statistique :
- Le coefficient de détermination R² atteint 0,50, indiquant une corrélation modérée mais significative.
- La p-value < 0,0001 confirme que cette corrélation est statistiquement robuste.
La droite de corrélation met en évidence une relation claire entre les deux méthodes : lorsque le RMSSD mesuré avec la ceinture thoracique augmente, la mesure effectuée au doigt sur la caméra du smartphone suit une tendance proportionnelle.
Ces résultats suggèrent que pour un suivi régulier de la forme via la HRV, réalisé plusieurs fois par semaine, les variations de forme et de fatigue seront détectables indépendamment de la méthode utilisée (ceinture ou doigt), à condition que le signal ne soit pas bruité.
Ainsi, bien que la mesure au doigt présente certaines limites, elle peut être une alternative viable pour un suivi longitudinal, sous réserve de conditions d’enregistrement optimales.
IV. Conclusion
Comparée à notre première analyse, cette étude a démontré qu'il existe une corrélation significative entre la mesure de HRV effectuée avec une ceinture thoracique et celle réalisée au doigt via la caméra du smartphone.
Cependant, cette corrélation n’est valable que lorsque les deux signaux sont exempts de bruit.
Les limites identifiées
L’un des constats majeurs est le taux élevé de signaux bruités :
- Environ 85 % des enregistrements présentent du bruit,
- Après application des filtres de correction, seuls 18 % supplémentaires deviennent exploitables,
- Finalement, 1 enregistrement sur 3 est jugé fiable, que ce soit avec la ceinture ou le capteur au doigt.
Ceci représente la principale limite de l’étude. En théorie, nous pourrions développer un algorithme avertissant l’utilisateur lorsque son enregistrement est trop bruité. Toutefois, si cet avertissement devait apparaître deux fois sur trois, cela nuirait à l’expérience utilisateur.
Ce qu’il faut retenir
✅ La mesure HRV au doigt est fonctionnelle, mais une ceinture thoracique reste plus fiable et offre globalement de meilleurs résultats.
✅ Pour améliorer la qualité des enregistrements, nous avons décidé d’allonger la durée du protocole de 1 minute à 2 minutes.
✅ La prise de HRV au doigt est désormais disponible sur l’application Nolio, pour iPhone et Android.
📌 Les protocoles de mesure HRV sur Nolio sont personnalisables, vous pouvez donc ajuster la durée si nécessaire.
⚠️ Comme mentionné tout au long de cet article, la fiabilité des mesures dépend fortement du niveau de bruit des données. Cela peut concerner aussi bien la mesure au doigt qu’une ceinture de mauvaise qualité. Il ne vous reste plus qu’à tester !

👉 Voici le tutoriel pour utiliser la mesure avec le doigt ici
👋 Vous pouvez nous contacter à l’adresse alexandre@nolio.io si vous souhaitez plus d’info sur cette étude !