La prépa de Blandine L'Hirondel, championne de France 2024
Se préparer aux contraintes spécifiques de la compétition
Dans cette deuxième partie, Lilian Gugliero, entraîneur de Blandine L'Hirondel revient sur les secrets de préparation de son athlète en vue des championnats de France de Trail, le 7 avril 2024 !
Cet article est la suite du précédent article Blandine l'Hirdondel : Sa prépa post-blessure
Le 22 janvier 2024 a marqué le début d’une période de 9 semaines ayant pour objectif prioritaire de reproduire les conditions de la compétition. Une période connue sous le nom de “préparation spécifique”. L’objectif était que Blandine vive le plus possible à l’entraînement tout ce qu’elle allait vivre le jour de la compétition.
Chaque séance avait donc pour objectif de travailler plusieurs points :
- Contraintes Énergétiques : Quels domaines d’intensité ? Produire l'énergie nécessaire au maintien d’une vitesse de déplacement moyenne la plus élevée possible sur une distance de 58 kilomètres avec 3000 mètres de dénivelé positif (Championnat de France de trail long).
- Alimentation : Réussir à s’alimenter à l’intensité de compétition pour maintenir un niveau d'énergie stable.
- Contraintes musculaires : Quels régimes de contraction ? Combien de temps ? Développer le plus de puissance possible le plus longtemps possible, retarder au maximum l’apparition de la fatigue musculaire et encaisser la charge excentrique importante le jour de la course.
- Contraintes techniques. Etre économique et efficace sur le terrain de la compétition (montée, descente, marche, course, technicité, etc).
- Contraintes thermiques. Les conditions climatiques possibles le jour de la course.
- Mental. Tous les points cités ci-dessus permettent de préparer l’athlète mentalement à ce qu' elle va vivre le jour de la compétition. Mais il ne faut pas non plus oublier de préparer la gestion de la pression, de l’imprévu et de la confrontation directe avec les adversaires.
3 semaines avec beaucoup de vélo, mais de plus en plus de course à pied
Selon mon analyse de la compétition, le niveau des autres concurrentes, la pression et la gestion de course de Blandine, j’ai pu identifier un départ de course autour du deuxième seuil. Il fallait donc travailler cette intensité pour qu’elle la tolère le jour de la compétition.
L’augmentation progressive de la charge mécanique
Pour augmenter progressivement la charge mécanique et remettre une base de volume sur laquelle elle pourrait ensuite ajouter de l’intensité, j’ai tenu à ce qu’elle réalise 4 semaines de course à pied à basse intensité (sous le premier seuil, ressentis d’effort compris entre 1 et 3 sur 10) avec une augmentation progressive du kilométrage et du dénivelé.
La préparation spécifique
La période de préparation spécifique a donc débuté par un bloc de 3 semaines de développement du seuil 2 mais toujours avec les séances intenses réalisées sur home trainer, entre 95% et 105% de la puissance critique. La durée des séries et celles cumulées au seuil 2 à chaque séance ont augmenté progressivement chaque semaine.
Le volume en course à pied de Blandine continuait d’augmenter mais il restait faible. L’entraînement à vélo était toujours majoritaire.
La préparation physique générale
En musculation, 2 séances hebdomadaires sont placées les mêmes jours que les entraînements intenses. Cela permet de condenser les séances difficiles sur une même journée. Le vélo était toujours réalisé en priorité afin que la séance de musculation soit impactée par la fatigue de la séance d’home trainer, plutôt que l’inverse.
6 semaines d’entraînement spécifique
Un test de lactate pour personnaliser les intensités
Le 12 février 2024 marquait le commencement des six dernières semaines avant la période d'affûtage. C'était également le début d'un bloc de travail axé sur l'intensité "Tempo" (ou "Zone 3" dans un modèle à 5 zones), divisé en trois parties : trois semaines de charge, une semaine d'assimilation, et deux semaines de charge supplémentaires.
Avec la perspective d'une course où le tempo prévaudrait, notre objectif principal pour cette période était de passer le plus de temps possible à cette intensité de compétition, afin que Blandine puisse être la plus performante possible le jour J.
Pour personnaliser ses zones d’entraînement, nous avons procédé à un test de lactate sur tapis roulant. En croisant les données de lactatémie avec sa fréquence cardiaque, nous avons pu mettre en place un système permettant à Blandine de contrôler ses allures en temps réel lors des séances, grâce aux données collectées par son cardiofréquencemètre.
Stage à Buis les Baronnies et reprise de l’intensité à pied
La deuxième semaine du bloc a été particulièrement spécifique pour Blandine, car elle s'est rendue sur le parcours de la course pour s'entraîner pendant quatre jours. Son programme comprenait des sorties longues à basse intensité et sa première séance au Tempo.
J'apprécie de calibrer chaque séance en fonction de l'allure de course en kilomètres plutôt qu'en durée, ce qui permet de mieux contrôler la spécificité de l'entraînement (ratio km/dénivelé, distance à intensité spécifique, etc.). Les zones cardiaques prescrites devaient être respectées en montée et sur terrain plat, tandis qu'en descente, l'accent était mis sur la perception de l'effort (RPE).
Augmentation de la charge des séances Tempo
La fréquence des séances tempo était hebdomadaire, avec une augmentation graduelle de la distance parcourue à cette intensité chaque semaine. De 14 kilomètres huit semaines avant l'échéance, Blandine est passée à 28 kilomètres deux semaines avant, sur un terrain similaire à celui du championnat de France de trail long.
En complément de ces séances, une séance au seuil 2 en côte, suivie de descentes rapides, était toujours intégrée pour travailler spécifiquement l'enchaînement montées-descentes et préparer musculairement Blandine à l'accumulation de dénivelé négatif. Ce facteur de performance crucial était également ciblé lors des séances de musculation.
En outre, des rappels de haute intensité (supra seuil 2) étaient ajoutés une fois toutes les deux à trois semaines pour maintenir les qualités développées précédemment pendant l'hiver.
Les compétitions préparatoires
Les compétitions préparatoires ont été au cœur de nombreuses discussions avec Blandine tout au long de sa préparation. Face à des concurrentes actives sur le circuit de compétition, elle souhaitait évaluer son niveau de performance. Cependant, dans le cadre de son retour de blessure, il était essentiel de ne pas précipiter les choses en participant à des courses trop longues ou en visant des temps trop ambitieux par rapport à son objectif principal.
Convaincu de l'importance de la confrontation directe avec les adversaires et de l'expérience de la compétition, j'ai planifié deux événements dans le calendrier, intercalés entre les phases Tempo et Seuil 2 : un 15 km avec 700 m de dénivelé positif/négatif, et un 23 km avec 1100 m de dénivelé positif/négatif, respectivement six et cinq semaines avant les Championnats de France. Ces courses, moins exigeantes que l'objectif principal, ont permis à Blandine de se tester tout en préservant sa forme mentale et physique.
Pour renforcer sa confiance, j'ai régulièrement comparé ses performances à l'entraînement avec celles de ses adversaires en compétition. À maintes reprises, j'ai mis en lumière sa compétitivité, contribuant ainsi à renforcer son assurance pour le grand jour.
La musculation
Pendant les six dernières semaines de préparation, avec l'augmentation du volume de course à pied, les sollicitations musculaires et mécaniques se sont intensifiées. En concertation avec sa préparatrice physique, Cindie Dechambre, nous avons pris la décision de réduire la fréquence des séances de musculation à une fois par semaine. Cette adaptation était cohérente avec notre approche spécifique, et nous avons progressivement privilégié les exercices pliométriques au détriment du travail excentrique.
La période d'affûtage
La période d'affûtage consiste à réduire le volume progressivement tout en gardant le niveau d’intensité. Un moment complexe qui doit être personnalisé. Décharger mais pas trop, dans le but de maximiser le potentiel de l’athlète.
J’ai fait le choix pour Blandine, d’une baisse du volume d’entraînement global comprise entre 25% et 30% la première semaine d'affûtage. Puis d’une diminution de 50% la dernière semaine avant la course. La charge (volume x intensité) à été diminuée de 30% la première semaine puis 60% la deuxième puisque le temps passé à haute intensité (au dessus du seuil 1) à lui aussi été diminué.
En revanche, l'intensité a légèrement augmenté. Les séances intenses ont été réalisées exclusivement au seuil 2 pour préparer Blandine mentalement et physiquement au début de course.
Cette approche nous a également permis d'accroître la charge d'entraînement en limitant le temps passé à haute intensité juste avant la compétition. Les pourcentages ont été calculés par rapport au volume chronique moyen de Blandine durant les dernières semaines de préparation. Sachant qu'elle ne prend jamais plus d'un jour de repos complet par semaine, j'ai maintenu la même fréquence d'entraînement pour ne pas perturber sa routine.
Le titre de Championne de France de Trail pour Blandine !
Cette prépa riche en émotions s'achève avec une victoire. Derrière cette victoire, il y a eu des semaines de travail acharné et de résilience. Malgré le blessure et les doutes, Blandine a su persister. Une réélle consécration pour notre duo entraîneur et entraînée.
Le travail continue avec la préparation des Championnats d'Europe à Annecy le 1er juin 2024 !