La préparation pour l’UTMB 2024 de Blandine L’Hirondel
Cet article a pour objectif de présenter la préparation spécifique de Blandine L’Hirondel pour l’UTMB 2024, à partir des Championnats d’Europe 2024 (01/06/2024). Je vais partager quelques-unes de nos réflexions et expliquer certains de mes choix de planification.
Il est important de souligner que la préparation d’un ultra ne repose pas uniquement sur quelques semaines. L’entraînement de Blandine pour cet objectif a débuté dès sa première séance de course à pied. Le corps humain a une très forte capacité d’adaptation, à condition qu’on lui laisse le temps. En tant que coach, il est essentiel de posséder une grande capacité d’adaptation, d’écoute et une vision à long terme de l’entraînement pour performer et durer au plus haut niveau.
La préparation spécifique de Blandine pour l’UTMB 2024 a duré 13 semaines, dont une semaine de récupération après les Championnats d’Europe et 3 semaines d'affûtage pré-compétition. Cela représente 9 semaines de développement des qualités spécifiques, réparties en plusieurs périodes de 2 à 3 semaines alternant charge et décharge, ponctuées de 3 compétitions de plus en plus longues, allant de 3h45 à 8h de course.
5 jours de coupure après les Championnats d’Europe
Comme expliqué dans les articles précédents, je suis adepte des courtes coupures (5 à 7 jours) après chaque objectif principal, en corrélation avec la durée d’effort en compétition. La coupure serait donc plus longue après un ultra. J’ajoute une coupure de fin de saison plus longue de 2 à 3 semaines. Cinq jours après les Championnats d’Europe ont suffi pour que Blandine ne ressente plus de fatigue et retrouve la motivation pour s’entraîner.
Ces 5 jours ont également permis une analyse et une réflexion sur le déroulement de la course des Championnats d’Europe, faisant émerger d’importants axes de progression sur les plans physique, mental et émotionnel. C’est à partir de ce moment que Blandine a décidé de lancer un travail de préparation mentale en vue de l’UTMB.
Nous avons pris le temps de définir les grandes lignes de la préparation. Blandine m’a exposé ses obligations professionnelles en tant que sportive et gynécologue (astreintes). Nous avons discuté de ses envies, essentielles à prendre en compte dans la planification : une période de reconnaissance de la course avec une amie, un rassemblement avec son équipe, une semaine en Corse et des compétitions.
Quels axes de développement et pourquoi ?
Au niveau énergétique
Le volume à basse intensité est essentiel, quel que soit le format préparé, et d’autant plus pour une épreuve qui se court exclusivement sous le premier seuil. Chaque séance clé visait donc à accumuler un haut volume à basse intensité sur un terrain similaire à celui de la compétition (ratio km/dénivelé, technicité, etc.).
Cela permettait à Blandine de travailler l’intensité spécifique, d’améliorer son efficience et d’augmenter sa vitesse de course pour une même fréquence cardiaque ou intensité ressentie, tout en repoussant son seuil de tolérance à la fatigue. Cela permet de limiter la décroissance de vitesse lors d’une épreuve de longue durée, un paramètre essentiel pour être performant en ultra-distance.
J’ajoutais à ses sorties longues des séances à plat de haute intensité (au-dessus du deuxième seuil) une fois par semaine. L’objectif était de maintenir une sollicitation de VO2 max, de conserver les qualités de vitesse développées plus tôt dans la saison et de maintenir les qualités de course sans générer trop de fatigue. J’ai privilégié des séances longues, avec des séries de plus d’1’30” et des durées cumulées à haute intensité comprises entre 15’ et 25’.
Des séances à une intensité modérée, entre le premier et le deuxième seuil, auraient pu être intéressantes pour développer la résistance à la fatigue, mais Blandine avait déjà énormément travaillé cette qualité lors de la préparation des Championnats d’Europe. De plus, cela aurait généré plus de fatigue et impacté le volume global et la charge d’entraînement à basse intensité, fondamentaux ici.
Au niveau musculaire
Les qualités musculaires jouent un rôle crucial dans toutes les disciplines du trail. Plus la distance s’allonge, plus elles deviennent un facteur de performance majeur. Après de nombreuses heures de course, la capacité cardio-respiratoire de Blandine devenait un facteur de performance secondaire. Sa capacité à courir vite dans les descentes sans se fatiguer musculairement pour avoir assez de force pour les montées suivantes était prioritaire, ce qui renvoie à la capacité de tolérance à la charge excentrique.
Cette qualité a été travaillée spécifiquement sur le terrain, au cours des sorties longues, avec une accumulation importante de dénivelé négatif à allure de course, mais aussi en salle de musculation avec charges. En accord avec sa préparatrice physique, toute la période de préparation spécifique a été orientée vers le travail de force endurance excentrique.
Mais aussi…
Un travail sur l’alimentation pendant l’effort et la préparation mentale a été réalisé, mais je ne les détaille pas ici.
Limiter la fatigue et alimenter la motivation : le défi de la préparation UTMB
Les compétitions
Je ne suis pas un adepte de l’accumulation des compétitions de préparation. Quelques-unes à des moments clés suffisent pour reproduire les conditions de compétition. Cela engendre plus de stress, plus de temps passé à haute intensité et plus de fatigue, augmentant le temps de récupération avant et après la compétition, ce qui diminue le volume moyen d’entraînement sur une période – un paramètre fondamental dans la préparation d’un ultra-trail comme l’UTMB.
Blandine aime les compétitions. Il était important de trouver un compromis entre ses envies pour maximiser son plaisir et sa motivation durant la préparation, et ce qui me semblait idéal. Elle n’aimait pas partir longtemps seule à l’entraînement. Faire 50 à 60 km en montagne en autonomie était une contrainte bien plus importante pour Blandine que de le faire en compétition.
Nous avons convenu de 3 échéances durant les 13 semaines de préparation, avec un volume progressif à chaque compétition. Je ne prévoyais pas de pic de forme, mais chaque compétition était précédée de 3 à 5 jours allégés pour que Blandine soit suffisamment en forme pour assimiler la charge prévue :
- Tavignanu trail pendant ses vacances en Corse le 06/07/2024 (33 km et 2200 m de dénivelé), soit 8 semaines avant l’UTMB.
- Deux étapes de l’UT4M les 20 et 21 juillet 2024, à 6 semaines de l’objectif : Belledonne (46 km et 2500 m de dénivelé) et Chartreuse (42 km et 2900 m de dénivelé).
- Le Xtrail Courchevel le 04/08/2024, à 4 semaines de l’objectif : 66 km et 4100 m de dénivelé.
Un affûtage en deux temps
Les 4 dernières semaines avant l’UTMB ont été réparties en 3 blocs :
- Une semaine de décharge/affûtage après le Xtrail Courchevel
- Une dernière semaine de charge spécifique jusqu’à deux semaines avant l’objectif.
- Deux semaines de décharge/affûtage
L’UTMB !
Les conditions météo étaient parfaites, l’envie de Blandine à son maximum, son expérience plus importante que l’année précédente, et la préparation plus longue et plus spécifique. Néanmoins, des imprévus sont survenus. Dans la deuxième moitié de la course, Blandine a eu des hématomes aux pieds qu’elle a dû percer au ravitaillement de “Champex Lac” (130e km). Elle a terminé la course, malgré tout, en 24h36 (contre 24h23 en 2023).
Il s’est avéré qu’elle avait le Covid pendant l’UTMB, expliquant une partie des difficultés rencontrées.
Après cela, nous avons laissé place à deux semaines de repos avant de reprendre progressivement une courte préparation en vue du Grand Trail des Templiers, dernier objectif de l’année 2024 (80 km / 3500 m de dénivelé).